Mémoires

Mémoires

« Mais dans le cas précis de Mémoires, l’articulation entre art et politique est immédiate, et insupportable. Nous sommes au coeur du présent. Et le propos est immédiatement politique. Le cinéaste nous montre ce que l’on cache : que la violence politique est présente aussi chez nous, où existent aussi des germes de Chili et de Pologne. Il nous donne un avertissement de même nature que celui des tortionnaires grecs de qui disaient : « Il y a partout en Europe des jeunes colonels inconnus comme nous l’étions avant 1967 ». Et le scandale de cette violence ne peut pas être plus grand que quand elle frappe dans une nature doucement brumeuse, dont le cinéaste sait excellemment restituer la vie intérieure tendue et feutrée à la fois.

Voilà pourquoi le film de Andrien est scandaleux. Il dit que le réel peut cesser d’être refoulé; que l’on peut cesser de nier sa pesée sur nos actes et nos pensées, que l’art peut sortir du cercle de l’art pour l’art. »

Jean-Marie Klinkenberg1

 

« Le cas limite le plus intéressant est par exemple Mémoires. La matière préexistait bien sûr à mon intervention et je ne me suis renseigné qu’un minimum sur le scénario des réalités fouronnaises. J’ai tenté de comprendre ce que je voyais et seulement ce que je voyais me disant que ce que je comprendrais tou cherait à l’universel puisque n’importe qui pourrait tout aussi bien le comprendre. Mon montage a donc été dicté par les images et les sons que m’apportait Jean-Jacques et rendu palpitant par la possibilité qu’il y avait d’organiser une construction en redoublement. Redoublement des points de vue puisque de manière vraiment extraordinaire nous disposions souvent de prises simultanées, de deux points de vue sur les mêmes actions mais aussi redoublement dans le temps grâce aux séquences tournées posté rieurement dans les mêmes lieux. C’est ce double jeu de symétries qui fait la force et la légèreté de Mémoires. »

Albert Jurgenson2

 

« J’interviens ici en tant que « cinéaste » et pas en tant que « documentariste » parce que je réalise des longs-métrages de fiction et des documentaires. Pour moi, il n’y a pas d’opposition entre documentaire (cinématographique) et fiction, dans le sens où documentaire et fiction sont « les deux faces constamment réversibles de la planète cinéma » (la formule est de J.L. Comolli). Dans les deux cas, il y a dispositif narratif, il y a récit, il y a du point de vue, du personnage, du hors-champ, du cadrage, du montage … L’opposition, je la vois plutôt entre le monde du cinéma et le monde de l’information, entre documentaire informatif (qui relève du journalisme) et documentaire de création cinématographique (où la braise cinéma rayonne).

Je me rappelle, lorsque j’ai réalisé, il y a une trentaine d'années Le grand paysage d’Alexis Droeven, un film de fiction (avec Nicole Garcia et l’acteur de L’homme de marbre de Wajda, Jerzy Radziwilowicz), où j’avais inséré des extraits d’un film documentaire, que j’avais réalisé à la même époque et qui s’intitule Mémoires, dans une critique du film Le grand paysage d’Alexis Droeven, on disait : « dans ce film, le documentaire mange la fiction » et dans une autre « la fiction éteint le documentaire ». Pour moi, c’est une manière de voir complètement erronée, parce que dans chacune de ces deux parties (documentaire et fiction), il s’agit de cinéma, il s’agit de dispositif narratif, d’articulation de points de vue, il s’agit de personnages qui ont un statut, une fonction, un but conscient … J’avais inséré ces fragments documentaires dans ma fiction parce qu’il était nécessaire pour mon propos d’y faire surgir, de façon brutale, les images de milices d’extrême-droite agressives dans la temporalité paisible du quotidien des habitants des Fourons. Je voulais un surgissement d’un autre ordre que celui de la quotidienneté des gens de ces villages. »

Jean-Jacques Adrien3

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UPDATED ON 03.01.2018