Screening
Guest: Balthazar Clémenti
Mon 22 May 2023, 20:00
PART OF
  • Introduction by and Q&A with Balthazar Clémenti, the son of Pierre Clémenti
FILM
À l’ombre de la canaille bleue
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82’

Shot on 16mm, Clémenti’s dystopian vision of Paris is called Necrocity, a hedonistic netherworld where state police (with the chief played by Clémenti himself) chase gangsters through a hazy, heroin-fueled nightlife.

 

« Ayant réussi à maîtriser la technique et découvert toutes les subtilités de cette caméra géniale, je me lançais caméra à la main dans ma première fiction politique. […] La première projection eut lieu au musée d’Art moderne de Beaubourg. Le film fut montré avec une vingtaine de musiciens. Y participaient également les acteurs du film en un vaste happening pour sa sonorisation en direct. L’effet du direct dépassa mes espérances. Le public se fondit en une rumeur et un chant si puissants, émotionnellement et vocalement, que la sécurité jugea qu’il y avait danger et arrêta la projection. »

Pierre Clémenti1

 

« À l’ombre de la canaille bleue a été en partie tourné entre 1978 et 1979 mais, comme toujours avec Clémenti, suivant des moyens autonomes : une caméra Beaulieu muette, avec laquelle il tourne des scènes jouées, quand il en a l’envie ou les moyens, et qu’il laisse en suspens, le temps de pouvoir les monter, les doubler, les synchroniser avec une musique. Le tout prendra sept ans, même si on trouve la trace d’une projection le 8 octobre 1980 au Musée National d’Art Moderne avec un accompagnement musical joué live. C’est un polar politique en vers libre qui, formellement, dérive la nuit dans un Paris totalitaire, rebaptisé Necrocity, qui va de Bastille à La Goutte-d’Or. Un film qui se cache dans les arrière-salles des cafés arabes de Belleville, où Hassan le « bougnoule sexuel » (ainsi désigné dans le titre alternatif, et joué par Achmi Gachem, cosénariste du film), la prostituée toxicomane Seringue (jouée par Nadine Arnoult, compagne de Pierre Clémenti), sa copine Marie La Galère, ou encore Sim (joué par Simon Reggiani) sont les protagonistes d’un récit futuriste rongé par l’héroïne et la paranoïa, happé par la répression menée par le Docteur Speed (Jean-Pierre Kalfon) et le général Korzacouille (Clémenti lui-même, qui joue aussi le rôle de Flash, le drogué) : il y a ici quelque chose du burlesque malade de William S. Burroughs faisant surgir sur la scène d’un théâtre paranoïaque, des conflits sans logique apparente et des personnages pourchassés par un ordre à détruire. Le plus punk et le plus urbain, le plus volontairement en désordre des portraits du Paris de la fin des années 1970. »

Philippe Azoury2

FILM
Soleil
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16’

Pierre Clémenti’s Soleil presents a psychedelic meditation on his life and his detention in an Italian prison in 1972.

 

« Ce dernier film est celui que je préfère... J’ai laissé ma plume au vestiaire le jour où les mots se sont envolés, le jour où les mots ont perdu leur sens. »

Pierre Clémenti

 

« Chant d’amour, chant de mort. Graffiti sur la chaux vive du Cœur. Soleil est né d’un spectacle théâtral. Il accompagna la mémoire visuelle d’un moribond qui durant trois jours de veillée funéraire revoit certains épisodes de sa vie. Après avoir joué plusieurs fois avec succès Chronique d’une mort retardée, j’ai trouvé dommage qu’une fois les représentations terminées ce film se retrouve à nouveau sans voix dans la corbeille à papier du magasin des accessoires. J’ai donc écrit un texte et demandé à mon ami John Livinggood de me composer une musique, ce qui fut fait. Ce dernier film est celui que je préfère, peut-être le plus abouti. J’ai laissé ma plume au vestiaire le jour où les mots se sont envolés, le jour où les mots ont perdu leur sens. Dès lors pour certains l’image l’a remplacée. J’ai toujours aimé avec passion le montage que ce soit sur mon Frigidaire ou dans la petite salle de montage que le musée d’Art moderne de Beaubourg avait mise à ma disposition. Quant à l’enregistrement des groupes de musique ainsi que lors du mixage, j’ai toujours eu la sensation que nous étions vraiment au cœur de la création. »

Pierre Clémenti1

 

« Il est arrivé un jour où j’ai senti qu'il fallait dépasser les mots du poème, que ces mots devaient prendre corps, devenir gestes, actes – et ce dépassement, ce fut pour moi le théâtre et le cinéma, la poésie de la vie. J’aime bien le cinéma, j’aime l’image qui est la trace de ce que tu as oublié, de cette part de toi que tu as perdue. Très vite, en un instant, tu redeviens le familier de ton passé. Je fus cet homme-là, qui court à travers l’écran. Et au moment même où tu joues, tu es déjà celui qui plus tard te verra. Je crois qu’un film est un lien, qui te rattache aux autres comme à toi-même, à ce que tu as été comme à ce que tu n’es pas, un lieu de rencontre entre frères qui ne se connaissent pas et dont le hasard d’une représentation mêle les destins à travers le temps et l'espace. »

Pierre Clémenti2

 

« On essaie toujours de te ramener dans le rang pour que tu aides à traire le public. Quand les gens me disent que j’ai raté ma carrière, ils ne savent pas ce que je suis en train de faire. Il faut savoir disparaître pour renaître ailleurs. J’apprends ma mort tous les mois. J’ai fait mon temps et je trouve ça normal. Je me fous d’être oublié, mais j’aime renaître de temps en temps, dans des choses qui en valent la peine. »

Pierre Clémenti3

  • 1. Nicole Brenez & Christian Lebrat, Jeune, dure et pure ! (Paris: La Cinémathèque française, 2000).
  • 2. Pierre Clémenti, Quelques messages personnels (Paris: Gallimard, 2005).
  • 3. Pierre Clémenti, “Pierre Clémenti – La Voie lactée,” Les Inrockuptibles, 18 March 1998