Fleurs meurtries

Fleurs meurtries

« En 1961, Luc de Heusch réalisera La leçon des choses, film par lequel il invite Magritte lui-même à donner une leçon sur sa démarche picturale et plus particulièrement sur le gouffre qui sépare les mots et les choses. Même si Magritte se révèlera peu satisfait de cette tentative, le point de vue du film impliquant qu’il soit un film sur le surréalisme plutôt qu’un film surréaliste, La leçon des choses reste un document digne d’intérêt. Plus étrange et plus impressionnant cependant, est le cas de Fleurs meurtries, un film réalisé dès 1929 par Roger Livet et qu’on prétendit, erronément semble-t’il, inspiré par l’œuvre de Magritte, voire réalisé avec sa collaboration. Après un très long plan où l’on voit une main qui feuillette les pages d’une encyclopédie illustrée, le film nous emmène dans un poème cinématographique de la plus belle eau. La plupart des procédés qui seront utilisés dans les fIlms surréalistes se trouvent déjà dans cette œuvre où l’on observe la révolte et la métamorphose des objets, l’élaboration d'un espace imaginaire qui associe la forêt, la chambre à coucher et la rue, la construction onirique du récit au gré de métaphores et de déplacements insolites. Plusieurs images s’apparentent très fort à l’univers peint de Magritte comme ce tableau contenant de vrais objets sous une cloche de verre ou ce personnage sans tête qui, à la fin du film, s’éloigne de dos sur un chemin de campagne. L’humour lui-même y est teinté d’une subversion authentiquement surréaliste: on y voit, par exemple, un jeune homme promener son fer à repasser, au bout d’une laisse, sur les trottoirs de Paris et marquer un temps d’arrêt près des arbres pour laisser le temps à cet insolite compagnon de se soulager. Fleurs meurtries est certainement un des films les plus méconnus de l’histoire du cinéma surréaliste. Pourtant, il est sans doute un de ceux qui témoignent au mieux ce que pouvait apporter le surréalisme au cinéma. »

Olivier Smolders1

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UPDATED ON 08.11.2018