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« Jeanne Moreau propose à la romancière Henriette Jelinek de venir la rejoindre en Californie pour écrire avec elle le scénario de son second long-métrage... Elle en présentait le sujet comme « le passage périlleux de l’enfance à la féminité, le moment où la conscience s’éveille, où le langage des adultes devient clair au lieu de paraître ». L’intrigue se déroule pendant l’été 1939, du début des grandes vacances à la déclaration de guerre en septembre, sous le regard de Marie, douze ans, qui va perdre à jamais une part de son enfance, de son insouciance : à son arrivée elle joue encore avec les enfants de son âge, elle repart transformée par une série d’épreuves (puberté, trouble amoureux, jalousie, découverte de la mort). Apprendre les choses essentielles de la vie passe forcément par des abandons et Jeanne précisait : « Nous devons vivre au-delà de l’innocence, nous en sommes tous là. » [...] En Jeanne Moreau s’est conservé quelque chose de ces provinces où l’on a le goût artisanal du travail bien fait. Il y aurait presque une sorte de lien secret entre le regard de Jeanne et celui de Jean Renoir. Humain, tendre, généreux, ouvert, son film est chargé de tonalités impressionnistes, de courants de sensualité [...]. À l’approche de la fin du film, les séquences d’un bal nocturne en plein air sont émouvantes parce qu’elles rappellent que chaque instant est unique, ne se renouvelle jamais et que la marche du temps est irréversible. »
Jean-Claude Moireau
« J’ai longtemps cherché le lieu de tournage idéal, celui d’un pays que la vie moderne n’aurait pas trop abîmé, où les légendes restaient encore présentes, où l’on pouvait, tout à fait normalement, parler de sorcière, d’eau lustrale et de philtre d’amour. Sur les conseils d’une amie quelque peu médium, je m’en allai explorer l’Aubrac et découvris le petit village de Mandailles. […] Un décor naturel rare, paisible, avec des gens authentiques, encore pénétrés du passé, et où j’ai pu, sans problème, faire intervenir le mystère, l’irrationnel. »
Jeanne Moreau
« D’emblée Jeanne Moreau communie avec son héroïne. Bien que filmé à la troisième personne, le récit est entièrement subjectif. C’est par les yeux de Marie que tout nous est révélé : la vie du village aussi bien que son aventure personnelle. D’où une fraîcheur, une innocence, une naïveté qui nous charment. D’où également une certaine fragilité, l’excessive candeur d’un journal intime. Il y a des scènes très belles dans L’adolescente, des scènes qui décrivent avec une rare justesse de ton les émois et les incertitudes de Marie, les ronces auxquelles elle s’accroche en chemin, les échardes qui la blessent. »
Jean De Baroncelli