FILM
Soy libre
,
,
78’

Arnaud is looking for his place in society. Soy Libre shows his insatiable desire for freedom on a nearly ten year long quest, which brings him from Northern France to Spain to Peru. A portrait of a little brother growing bigger and bigger, through the eyes of his elder sister.

 

« Dès le tout premier plan de son long métrage, saisi de l’arrière d’un scooter piloté par Arnaud et qui nous la rend présente dans son dos, fermement agrippée à lui, Soy libre s’impose comme l’exercice d’un regard et la mise à l’épreuve d’un point de vue associant deux êtres qui s’aiment indubitablement. « J’ai toujours été frappée de voir comment, quand nous étions côte à côte, nous ne posions jamais notre regard sur la même chose. Pourquoi je pose mon regard sur ceci ou cela est une question de cinéma qui m’intéresse beaucoup », explique Laure Portier, qui exerce par ailleurs le métier de cadreuse. Elle le pratique ici avec un sens très réfléchi du rapport à l’autre – sans que l’un prenne jamais longtemps le pas sur l’autre ou, pour être précis, sans que l’un soumette le sujet filmé à l’autorité du filmeur, ni que l’autre fasse trop le malin devant la caméra, la rassasie de stéréotypes pour éviter de se dévoiler.

En matière de stéréotypes, Arnaud en connaît un rayon pour en avoir endossés de pesants dans son enfance malmenée, jusqu’à en être prisonnier. Ceux du mauvais garçon roulant des mécaniques, délinquant de banlieue voué à multiplier les mauvais coups pour finir aux Baumettes. « Comment se défaire d’une sale image, s’interroge Laure Portier ? Le regard qui s’est posé sur lui a conditionné celui qu’il est devenu. » »

François Ekchajzer1

 

« La relation entre la portraitriste et son modèle ressemble à une collaboration artistique. Plusieurs scènes évoquent le film en cours, le film en train de se faire. Mises en abîme qui ne cherchent jamais à faire croire au public qu’il s’agit sur l’écran d’une vie sans filtre mais d’une vie saisie par le cinéma. Arnaud n’est pas un personnage soumis à sa « grande soeur-à-la-caméra » ; en voyage par exemple, c’est lui qui se filme, c’est lui qui se met en scène. Et indéniablement, il possède lui aussi certains talents de réalisateur, le sens du cadre, une application à fabriquer des « prises » utiles au montage, le flair de savoir rester silencieux lorsqu’il enregistre son réel. Ces séquences, ces « auto-séquences », ont même un style moins saccadé, moins mouvant, que dans les plans filmés par la réalisatrice, qui affectionne de suivre, caméra au poing, l’agitation, l’agilité de son petit frère, ce jeune téméraire. »

Benjamin Genissel2

 

« Il y a la trajectoire d’Arnaud d’une part et de l’autre, ce qui fait lien. Ce qui nous lie, nous délie et nous relie, notre amour fraternel. Et notre manière de nous battre et nous débattre dedans (je parlais aussi plus haut, par exemple, de briser tout rapport vertical à l’autre, avoir de l’ascendance sur). Mais aussi de faire lien dans sa propre filiation. Comment devient-on père si on a tant manqué ? Le film fini vient réinterroger le début de l’histoire. Et faire lien avec le monde. Trouver sa place. »

Laure Portier3

  • 1. François Ekchajzer, “Soy libre”: le bel exploit documentaire de Laure Portier... et de son frère”, Télérama, mars 2022.
  • 2. Benjamin Genissel, ““Soy libre” de Laure Portier : La plus grande émotion en filmant le plus simplement”, Le blog documentaire, mars 2022.
  • 3. Cédric Lépine, “Entretien avec Laure Portier pour son film Soy Libre”, Mediapart, mars 2022.