
Humans in a fascist, militaristic future wage war with giant alien bugs.
“Come on, you apes! You wanta live forever?”
Unknown platoon sergeant, 19181
“[…] Starship Troopers was more me reflecting on American politics – to a certain degree, domestic American politics. There’s a lot of parallels with what happened after September 11, of course – not just in the obvious ways of shooting rockets in tunnels, at the Taliban, or the ‘Arachnids’ in the movie – but also in the function of propaganda and spinning. In some ways, it’s a pleasure that it all became true, but on the other hand, there's not much pleasure that it came true.”
Paul Verhoeven2
“It has become clear, in these last decades of decadence, decline, towering institutional violence, and rampant bad taste, that American life is stuck somewhere inside the Paul Verhoeven cinematic universe.”
David Roth3
”In Starship Troopers, the Western and science fiction genres find a new generic partner: melodrama or, more specifically, nighttime TV soap melodrama in the tradition of Beverly Hills 90210 (1990-2000) and Melrose Place (1992-1999). The love interests of the main characters develop in pure soap-style, not only in the cliché, card-board cut-out acting styles but also the plot. […] They embody the ideal, depthless human, the Los Angeles plastic surgery aesthetic, that has been popularized by soaps and shows like Baywatch. Perfect bodies, flawless faces, perfect big white teeth and big fake smiles (so wonderfully mastered by Richards).
[…] In prediciting future outcomes, Verhoeven also retraces the myth of America’s frontier past. We are presented with Western allusions that include John Wayne-style dialogue (‘saddle up!’ and ‘come on you apes. Do you wanna live forever?’); the desert backdrop of Klendathu (that recalls the iconic wilderness expanses of Western landscapes such as Momument valley); and dances and music, complete with toe-tapping fiddle music that plays to tune of ‘I wish I were in Dixie’, harking back to movies such as John Ford’s She Wore a Yellow Ribbon (1949).”
Angela Ndalianis4
« La morale n’est donc aucunement absente de ce cinéma. Il se trouve juste qu’elle n’intervient que par-dessus le marché. La morale est en plus chez Paul Verhoeven. Cela signifie qu’elle vient en sus : le cinéaste ne la désigne pas du doigt, il ne juge pas nécessaire qu’elle soit claire et nette pour chaque spectateur, le plus souvent il passe tout proche de s’en passer purement et simplement. La morale est à la limite superfétatoire, on peut tout à fait regarder ces films sans s’en préoccuper. Et cela veut dire qu’elle-même est un plus. Le mal existe, sans doute. Le monde n’a pas été bien fait, sans doute. Inutile toutefois de chercher à revenir en arrière. Il faut à l’inverse exagérer, il faut dévaler la ligne de plus grande pente que suit de toute façon le monde. Il faut pénétrer toujours plus avant au sein de ce qu’il y a en lui de profus et d’excessif. »
Emmanuel Burdeau5
Emmanuel Burdeau : Après RoboCop, c’est l’autre film dans lequel vous avez recours à la télévision d’une façon à la fois narrative et critique.
Paul Verhoeven : Les passages où la télévision est introduite sont en effet en contradiction avec le récit, comme s’ils formulaient une critique implicite du reste du film. Ils sont une manière hyperbolique de dire que ces gens sont fous, comme la femme qui encourage les enfants à écraser les cafards avec leurs pieds et part d’un grand éclat de rire hystérique quand ceux-ci s’exécutent. “The only good Bug is a dead Bug !” À propos, c’est Jon Davison lui-même qui hurle cette phrase pendant l’une des séquences télévisuelles.
Je crois n’avoir rencontré nulle part ailleurs un tel usage de la télé ! C’est pourtant une dimension nécessaire, dans la mesure où Starship Troopers fait par ailleurs participer le spectateur à une certaine utopie fasciste… J’ai été très étonné de lire dans le Washington Post — je crois — qu’Ed Neumeier et moi étions nous-mêmes des néonazis. Pour moi, le film indique clairement que ses personnages sont séduits par une utopie fasciste, ce qui n’a rien à voir. Ce n’est pas par hasard si j’ai choisi de citer en permanence des images du Triomphe de la volonté (Triumph des Willens, Leni Riefenstahl, 1935), ni si le personnage de Carl, joué par Neil Patrick Harris — devenu très célèbre depuis — est habillé comme un officier SS, avec une longue cape en cuir.
'Il était clair pour moi que le film formule une attaque intelligente contre le fascisme. Starship Troopers séduit son spectateur en lui faisant croire à ce qu’il voit, tout en lui glissant de temps en temps au creux de l’oreille : « Tiens, au fait, ces gens sont fascistes. Méfie-toi ». Il s’agissait pour moi de mettre le spectateur dans une position impossible. Starship Troopers est un film vicieux, construit et pensé d’une façon qui convient mal au cinéma commercial. À l’époque, les gens ne l’ont pas aimé. Aujourd’hui, avec le 11 septembre et Ben Laden, entre autres choses, chacun voit bien que les choses ont changé et que ce film touchait juste. Mais Starship Troopers reste difficile à analyser parce qu’il refuse de dire où est le bien et où est le mal.
Aujourd’hui encore, les uns et les autres ont tendance à négliger le fait que le film montre à quel point Heinlein nous mettait mal à l’aise. Sa vision est très militariste, voire pseudofasciste. Starship Troopers raconte aussi notre combat contre le roman. Nous ne pouvions évidemment pas le changer, mais nous avons fait en sorte de transformer certaines choses par les moyens de l’art. Cette attaque est 'notamment sensible dans l’utilisation des actualités télévisées.
Emmanuel Burdeau en conversation avec Paul Verhoeven6
- 1. Beginning of Robert A. Heinlein's 1959 novel Starship Troopers
- 2. Margaret Barton-Fumo, Paul Verhoeven: Interviews (Univ. Press of Mississippi, 2016).
- 3. David Roth, “How “Starship Troopers” Aligns with Our Moment of American Defeat,” The New Yorker, 6 July 2020.
- 4. Angela Ndalianis, Science Fiction Experiences (New Academia Publishing, LLC, 2011).
- 5. Emmanuel Burdeau, Paul Verhoeven. A l'oeil nu (Paris : Capricci, 2017).
- 6. Emmanuel Burdeau, Paul Verhoeven. A l'oeil nu (Paris : Capricci, 2017).

Humans in a fascist, militaristic future wage war with giant alien bugs.
“Come on, you apes! You wanta live forever?”
Unknown platoon sergeant, 19181
“[…] Starship Troopers was more me reflecting on American politics – to a certain degree, domestic American politics. There’s a lot of parallels with what happened after September 11, of course – not just in the obvious ways of shooting rockets in tunnels, at the Taliban, or the ‘Arachnids’ in the movie – but also in the function of propaganda and spinning. In some ways, it’s a pleasure that it all became true, but on the other hand, there's not much pleasure that it came true.”
Paul Verhoeven2
“It has become clear, in these last decades of decadence, decline, towering institutional violence, and rampant bad taste, that American life is stuck somewhere inside the Paul Verhoeven cinematic universe.”
David Roth3
”In Starship Troopers, the Western and science fiction genres find a new generic partner: melodrama or, more specifically, nighttime TV soap melodrama in the tradition of Beverly Hills 90210 (1990-2000) and Melrose Place (1992-1999). The love interests of the main characters develop in pure soap-style, not only in the cliché, card-board cut-out acting styles but also the plot. […] They embody the ideal, depthless human, the Los Angeles plastic surgery aesthetic, that has been popularized by soaps and shows like Baywatch. Perfect bodies, flawless faces, perfect big white teeth and big fake smiles (so wonderfully mastered by Richards).
[…] In prediciting future outcomes, Verhoeven also retraces the myth of America’s frontier past. We are presented with Western allusions that include John Wayne-style dialogue (‘saddle up!’ and ‘come on you apes. Do you wanna live forever?’); the desert backdrop of Klendathu (that recalls the iconic wilderness expanses of Western landscapes such as Momument valley); and dances and music, complete with toe-tapping fiddle music that plays to tune of ‘I wish I were in Dixie’, harking back to movies such as John Ford’s She Wore a Yellow Ribbon (1949).”
Angela Ndalianis4
« La morale n’est donc aucunement absente de ce cinéma. Il se trouve juste qu’elle n’intervient que par-dessus le marché. La morale est en plus chez Paul Verhoeven. Cela signifie qu’elle vient en sus : le cinéaste ne la désigne pas du doigt, il ne juge pas nécessaire qu’elle soit claire et nette pour chaque spectateur, le plus souvent il passe tout proche de s’en passer purement et simplement. La morale est à la limite superfétatoire, on peut tout à fait regarder ces films sans s’en préoccuper. Et cela veut dire qu’elle-même est un plus. Le mal existe, sans doute. Le monde n’a pas été bien fait, sans doute. Inutile toutefois de chercher à revenir en arrière. Il faut à l’inverse exagérer, il faut dévaler la ligne de plus grande pente que suit de toute façon le monde. Il faut pénétrer toujours plus avant au sein de ce qu’il y a en lui de profus et d’excessif. »
Emmanuel Burdeau5
Emmanuel Burdeau : Après RoboCop, c’est l’autre film dans lequel vous avez recours à la télévision d’une façon à la fois narrative et critique.
Paul Verhoeven : Les passages où la télévision est introduite sont en effet en contradiction avec le récit, comme s’ils formulaient une critique implicite du reste du film. Ils sont une manière hyperbolique de dire que ces gens sont fous, comme la femme qui encourage les enfants à écraser les cafards avec leurs pieds et part d’un grand éclat de rire hystérique quand ceux-ci s’exécutent. “The only good Bug is a dead Bug !” À propos, c’est Jon Davison lui-même qui hurle cette phrase pendant l’une des séquences télévisuelles.
Je crois n’avoir rencontré nulle part ailleurs un tel usage de la télé ! C’est pourtant une dimension nécessaire, dans la mesure où Starship Troopers fait par ailleurs participer le spectateur à une certaine utopie fasciste… J’ai été très étonné de lire dans le Washington Post — je crois — qu’Ed Neumeier et moi étions nous-mêmes des néonazis. Pour moi, le film indique clairement que ses personnages sont séduits par une utopie fasciste, ce qui n’a rien à voir. Ce n’est pas par hasard si j’ai choisi de citer en permanence des images du Triomphe de la volonté (Triumph des Willens, Leni Riefenstahl, 1935), ni si le personnage de Carl, joué par Neil Patrick Harris — devenu très célèbre depuis — est habillé comme un officier SS, avec une longue cape en cuir.
'Il était clair pour moi que le film formule une attaque intelligente contre le fascisme. Starship Troopers séduit son spectateur en lui faisant croire à ce qu’il voit, tout en lui glissant de temps en temps au creux de l’oreille : « Tiens, au fait, ces gens sont fascistes. Méfie-toi ». Il s’agissait pour moi de mettre le spectateur dans une position impossible. Starship Troopers est un film vicieux, construit et pensé d’une façon qui convient mal au cinéma commercial. À l’époque, les gens ne l’ont pas aimé. Aujourd’hui, avec le 11 septembre et Ben Laden, entre autres choses, chacun voit bien que les choses ont changé et que ce film touchait juste. Mais Starship Troopers reste difficile à analyser parce qu’il refuse de dire où est le bien et où est le mal.
Aujourd’hui encore, les uns et les autres ont tendance à négliger le fait que le film montre à quel point Heinlein nous mettait mal à l’aise. Sa vision est très militariste, voire pseudofasciste. Starship Troopers raconte aussi notre combat contre le roman. Nous ne pouvions évidemment pas le changer, mais nous avons fait en sorte de transformer certaines choses par les moyens de l’art. Cette attaque est 'notamment sensible dans l’utilisation des actualités télévisées.
Emmanuel Burdeau en conversation avec Paul Verhoeven6
- 1. Beginning of Robert A. Heinlein's 1959 novel Starship Troopers
- 2. Margaret Barton-Fumo, Paul Verhoeven: Interviews (Univ. Press of Mississippi, 2016).
- 3. David Roth, “How “Starship Troopers” Aligns with Our Moment of American Defeat,” The New Yorker, 6 July 2020.
- 4. Angela Ndalianis, Science Fiction Experiences (New Academia Publishing, LLC, 2011).
- 5. Emmanuel Burdeau, Paul Verhoeven. A l'oeil nu (Paris : Capricci, 2017).
- 6. Emmanuel Burdeau, Paul Verhoeven. A l'oeil nu (Paris : Capricci, 2017).