A subjective voyage through the civilisation, the spaces and the light of the Mediterranean, accompanied by a text by Philippe Sollers and Antoine Duhamel’s music.
Réalisé à partir de rushes tournés par Jean-Daniel Pollet, un voyage subjectif à travers la civilisation, les lieux et les lumières du bassin méditerranéen, sur un texte de Philippe Sollers et une musique d'Antoine Duhamel.
Een subjectieve reis doorheen de beschaving, de ruimtes en het licht van het Middellandse Zeegebied, met een tekst van Philippe Sollers en muziek van Antoine Duhamel.
Cinémathèque française
Les pièces du jeu sont reprises,
elles seront relancées,
autres et les mêmes,
de la même façon et différemment.
Dans cette oscillation,
cette marge,
à nouveau l’indication aveugle
que la moindre choses
est aussi vaste que la plus vaste.
Que le point de vue se situe également partout.
Voix off de Méditerranée par Philippe Sollers
Jean-Daniel Pollet maakt als twintiger een reis rond de Middellandse Zee. Hij komt terug met beelden waarvan hij niet goed weet hoe ze te monteren. Een stierengevecht, een volksfeest, een oude roeiende man, ruïnes, bunkers, een jong (stervend?) meisje, een appelsien in een boomgaard, een hoogoven, een mummie, … Een mogelijke narratieve piste wordt al snel verlaten. Pollet komt in contact met Philippe Sollers die de tekst voor de film schrijft en zal inspreken, en met Antoine Duhamel die de muziek maakt. Zij brengen samen het dromerige, metafysische elan (“C’est l’espace, c’est le temps, c’est la vie, c’est la mort”, zegt Sollers) dat in de beelden besloten ligt naar boven, maken er een poëtische ruimtelijke figuur van die van alle kanten kan worden bekeken. “Tout doit changer de dimension.” In Méditerranée bespookt een poëtische blik de beschavingsgeschiedenis en omgekeerd.
Behalve in cinefiele kringen kenden Pollets films weinig weerklank en ook daar was zijn werk aanvankelijk allesbehalve geliefd. Zo werd Méditerranée tijdens de internationale première op het festival voor experimentele film in Knokke in 1963 uitgejouwd. Het subversieve spektakel van Flaming Creatures (Jack Smith, 1963) en het werk van makers als Stan Brakhage en Kenneth Anger waren onherbergzaam terrein voor de poëtische mise-en-scène van Méditerranée. De aanwezige Sollers zou later in een interview zeggen: ‘Het was een van de eerste keren dat ik begreep dat schoonheid gehaat werd.’ Maar in de jaren nadien bleef de film toch telkens weer opduiken. Zo wijdde Cahiers du Cinéma er pas vijf jaar later een dossier aan. Vooral in de literaire kringen rond Sollers verwierf de film een zekere status en werd het een dankbaar onderwerp voor reflectie. Méditerranée bleef, om het met de commentaarstem te zeggen, hernomen worden. Schrijvers en dichters als Sollers, Jean Thibaudeau en Francis Ponge speelden een essentiële rol in het oeuvre van Pollet, dat steeds poëtischer, steeds schilderachtiger zou worden. Voor Sollers was Méditerranée de film die het dichtst de schilderkunst benaderde: “Wie Piero della Francesca niet begrijpt, begrijpt Méditerranée niet.”
Hannes Verhoustraete
Jean-Daniel Pollet is in his twenties when he travels around the Mediterranean. He returns home with images that he is unsure of how to edit. A bullfight, a folk festival, an old man rowing, ruins, bunkers, a young (dying?) girl, an orange in an orchard, a blast furnace, a mummy, ... The possibility of a narrative is soon abandoned. Pollet comes into contact with Philippe Sollers, who will write the film’s text, and with Antoine Duhamel, who will compose its music. Together they bring out the film’s dreamy, metaphysical élan (“It’s space, it’s time, it’s life, it’s death,” Sollers says), turning it into a poetic spatial figure that can be viewed from all sides. “Everything must change dimension.” In Méditerranée, a poetic gaze haunts the history of civilization, and vice versa.
Pollet’s films hardly resonated beyond cinephile circles, and even there his work was initially far from popular. Méditerranée was booed at its international premiere at the festival for experimental film in Knokke in 1963, for instance. The subversive spectacle of Flaming Creatures (Jack Smith, 1963) and the work of makers such as Stan Brakhage and Kenneth Anger formed an inhospitable place for Méditerranée’s poetic mise-en-scène. Sollers, who attended the premiere, would later say: “It was one of the first times I understood that beauty was hated.” But in the years that followed, the film kept reappearing. Five years after its release, Cahiers du Cinéma, for example, devoted a dossier to it. The film acquired a certain status and became a rewarding subject for reflection, especially in the literary circles around Sollers. Méditerranée, to use the commentary voice, continued to be resumed. Writers and poets such as Sollers, Jean Thibaudeau and Francis Ponge played an essential role in Pollet’s oeuvre, which would become increasingly poetic and painterly. For Sollers, Méditerranée was the film that came closest to painting: “Those who don't understand Piero della Francesca will not understand Méditerranée.”
Hannes Verhoustraete
« J’ai vu Méditerranée. C’est dans mes rêves dorénavant. Je n’arrive pas à travailler aujourd’hui parce que j’ai ce film en tête. Ceux qui n’aiment pas ce film, s’il en est, sont mes ennemis. »
Francis Ponge
“I’ve seen Méditerranée. It’s in my dreams from now on. I can’t work today because I can’t stop thinking about this film. Those who don’t like this film, if they exist, are my enemies.”
Francis Ponge
« Mon seul principe pour le tournage de Méditerranée était de ne filmer qu’une seule chose par plan. Trouver des images-signes, des images-mots. Un plan signe est radicalement différent, dans son essence même, d’un plan où grouillent une dizaine de personnes. C’est au prix d’une grande austérité que j’ai pu faire fonctionner un film comme Méditerranée, et plus tard Contretemps et Dieu sait quoi, et pouvoir à nouveau affirmer cette liberté. »
Jean-Daniel Pollet1
“The only principle I had when I was shooting Méditerranée was to film only one thing in each shot. To find image-signs, image-words. A sign shot is radically different in its essence from a shot swarming with tens of people. It was because of this severe austerity that I could make a film like Méditerranée work, and later with Contretemps and Dieu sait quoi, that I was able to reassert this freedom.”
Jean-Daniel Pollet2
« Dans cette banale série d’images en 16 sur lesquelles souffle l’extraordinaire esprit du 70[mm], à nous maintenant de savoir trouver l’espace que seul le cinéma sait transformer en temps perdu... Ou plutôt le contraire... Car voici des plans lisses et ronds abandonnés sur l’écran comme un galet sur le rivage... Puis, comme une vague, chaque collure vient y imprimer et effacer le mot souvenir, le mot bonheur, le mot femme, le mot ciel... La mort aussi puisque Pollet, plus courageux qu’Orphée, s’est retourné plusieurs fois sur cet Angel Face dans l’hôpital de je ne sais quel Damas... »
Jean-Luc Godard3
“In this banal series of 16mm images spurred on by the extraordinary spirit of 70[mm] lies our task to find a space which only the cinema can transform into lost time... Or rather the contrary... For here are smooth, round images left on the screen like a pebble on a shoreline... Then, like a wave, each cut comes printing and erasing the word memory, the word happiness, the word woman, the word sky... Death also, because Pollet, more courageous than Orpheus, has turned back multiple times to this Angel Face in the hospital of I don't know which Damascus...”
Jean-Luc Godard4
« Le sacré est une lacune de déchiffrement ; comprendre le sacré, c’est passer d’une langue à une autre dans la même langue. Ce qui disparaît, c’est précisément la possibilité de « projection ». Dans Méditerranée, le sujet ne se présente pas comme « divisé ». Il est introuvable. Dès que vous verrez la mer apparaître devant vous derrière des fils de fer barbelés, vous entrerez dans cette double articulation de l’image et du texte qui amorce une lecture. Un des titres du film a été à un moment La Seconde Vue. Vous pourrez alors suivre le dessein géométral commun au déplacement réglé des séquences et à la condensation algébrique du texte qui le recoupe tout en restant, dirait-on, parallèle à la pellicule et comme décalé d’elle, asymptotique par rapport à elle. »
Philippe Sollers5
« Le facteur le plus troublant, remarque Freud, dans l’écriture hiéroglyphique, c’est qu’elle ignore la séparation des mots. Les signes se succèdent sur la feuille à égale distance les uns des autres et l’on ne sait à peu près jamais si tel signe fait encore partie de celui qui le précède ou constitue le commencement d’un mot nouveau. L’écriture de Méditerranée a moins à voir, en dernière instance, avec l’écriture hiéroglyphique qu’avec celle du rêve ou, plutôt, s’en démarque au même endroit que celle-ci. Car, en ce qui concerne le système d’expression du rêve, la situation est beaucoup moins favorable que dans le cas des langues et écritures anciennes. C’est que ces dernières sont, après tout, destinées à servir de moyen de communication, donc à être comprises d’une façon ou d’une autre. Or, c’est précisément ce caractère qui manque au rêve. Le rêve se propose de ne rien dire à personne et, loin d’être un moyen de communication, est destiné à rester incompris. L’écriture qui produit Méditerranée s’apparente à la fois à l’écriture hiéroglyphique et à l’écriture de l’inconscient. »
Jean-Paul Fargier6
« Dans un film classique, Belmondo sort d’une voiture, entre dans un restaurant, va au téléphone. On le suit. Ce n’est pas du montage, même s’il y a des raccords, plusieurs plans : on se contente de le suivre, d’un plan à l’autre. L’ellipse – on coupe un peu dans le temps et le spectateur est censé comprendre ce qu’on a coupé – ce n’est pas encore vraiment du montage, il faut couper encore plus – qu’on ne sache pas pourquoi on passe d’un plan à l’autre. Alors on obtient une certaine logique, la poésie.
[...]
Pour moi ce langage coule de source : là, vive le montage et le mécanisme des rêves imbibés d’inconscient !… vive le montage le soir juste avant de s’endormir. Un montage éclairant comme pour les rêves, où il n’y a d’autre logique que celle de l’inconscient. Une logique qui soit celle du bonheur ou celle de la souffrance. »
Jean-Daniel Pollet7
Antoine de Bacque: Vous travailliez avec le nouveau roman, Tel quel…
Jean-Daniel Pollet: Je voulais passer du néoréalisme à autre chose, au roman. Mais je désirais rester sur le terrain du cinéma. Ce qui pouvait lier les deux, c’était la description, les objets, les paysages, là où les mots et les images se croisent. Ou les sons, la musique. J’ai fait la musique de mes films avec l’un des plus grands, Antoine Duhamel. En 1963, je suis parti faire le tour de la Méditerranée, avec Volker Schlöndorff, en bagnole, un break 403, avec une caméra. Pendant trois mois et demi, on a parcouru 5 000 km. J’ai filmé, sans jamais raconter une histoire. Juste des lieux, des objets, des corps : c’est Méditerranée, un film de 45 minutes, fiction non fictionnelle. Que de la matière. Le montage a duré des mois. J’ai montré ça à Sollers, qui a été séduit et m’a écrit vingt pages pour la voix off. Tel quel et les Cahiers du cinéma ont pris le film en charge, l’ont défendu. Pour eux, c’était l’emblème d’un nouveau cinéma.
Jean-Daniel Pollet dans Libération8
“Ik herinner me nog het zachte tracking shot met de sinaasappelen in de film Méditerranée (1963) die ik zag op het festival van de experimentele film in Knokke en die daar op algemeen gejoel werd onthaald, het shot met een bloedende stier en dat met de vrouw (slaapt ze? is ze dood?) die uitgestrekt op een ziekenhuisbed ligt; de beelden die in Méditerranée steeds werden herhaald overschreden die film uiteindelijk (ontsnapten aan de film) en belandden in een andere film zonder dat ik er echt de plaats of oorsprong van wist aan te duiden; ze kwamen terug als in een droom, zachter of brutaler, soms in de vorm van foto’s, zoals in Ceux d’en face (2001). Voor mij vormden deze twee films de onderliggende structuur, de ontologische herkenningstekens van een toekomstig oeuvre, dat geleidelijk aan werd uitgebouwd, stukje bij beetje, met oneindige ontwikkelingen en variaties, als een eeuwig uitdeinende mozaïek. Zo zijn al zijn films één, elke volgende film slechts de herlezing van zijn vorige films (in Contretemps gebruikt hij enkel fragmenten uit andere films die op een andere manier zijn gemonteerd), echo’s van elkaar.”
Boris Lehman9
« De ce qui me reste en mémoire, il y a ce léger travelling sur des oranges dans Méditerranée (1963), vu à Knokke-le-Zoute lors du festival du film expérimental, sous la huée générale, ce plan d’un taureau ensanglanté et cet autre de cette femme étendue (dort-elle ? est-elle morte ?) sur un lit d’ hôpital, mais ces images qui se répétaient dans Méditerranée, finissaient aussi par traverser le film (sortir du film) pour entrer dans un autre, sans que je puisse véritablement en déterminer la place ni l’origine; elles sont revenues, comme dans un rêve, plus douces ou plus brutales, parfois sous forme de photographies, comme dans Ceux d’en face (2001). Pour moi ces deux films étaient les matrices, les repères ontologiques d’une oeuvre à venir, qui se construisait peu à peu, pièce après pièce, avec des développements et des variations infinies, comme une mosaïque en perpétuelle expansion. Ainsi tous ses films n’en font qu’un, chaque suivant n’étant que la relecture de ses précédents (dans Contretemps, il n’utilise que des extraits de ses autres, remontés différemment), se répondant en échos. »
Boris Lehman10
Jean-Daniel Pollet dans L'Entrevues11
- 1Jean-Daniel Pollet, Gérard Leblanc, L’Entrevues (Paris: Les Editions de l'Oeil, 1998).
- 2Jean-Daniel Pollet, Gérard Leblanc, L’Entrevues (Paris: Les Editions de l'Oeil, 1998).
- 3Jean-Luc Godard, « Impressiones anciennes », Cahiers du cinéma n° 187, février 1967, repris sur Pileface.com.
- 4Jean-Luc Godard, « Impressiones anciennes », Cahiers du cinéma n° 187, février 1967. Sabzian’s translation.
- 5Philippe Sollers, « Cinéma / Inconscient / « Sacré » / Histoire », Cinéthique n° 5, juin 1969, repris sur Pileface.com.
- 6Jean-Paul Fargier, « Vers le récit rouge », Cinéthique n° 7/8, 1970, repris sur Pileface.com.
- 7Jean-Daniel Pollet, Gérard Leblanc, L’Entrevues (Paris: Les Editions de l'Oeil, 1998).
- 8Antoine de Baecque, « Profiter de tout pour faire des films », Libération, 8 octobre 2001. Via dérives.net
- 9Boris Lehman, “Jean-Daniel Pollet (overhaaste indrukken),” Sabzian, 11 september 2019. Origineel: Boris Lehman, « Jean-Daniel Pollet (impressions hâtives) », Zeuxis 16, 2004; Sabzian, 11 septembre 2019.
- 10Boris Lehman, « Jean-Daniel Pollet (impressions hâtives) », Zeuxis 16, 2004; Sabzian, 11 septembre 2019.
- 11Jean-Daniel Pollet, Gérard Leblanc, L’Entrevues (Paris: Les Editions de l'Oeil, 1998).