← Part of the Issue: Ma vie filmée

Pourquoi Boris Lehman fait un cinéma de fiction

Babel - lettre à mes amis restés en Belgique (Boris Lehman, 1991)

Dans mes films, vous aurez remarqué, si vous les avez vraiment vus, qu'aucun plan n'est jamais tourné à la main, ou à l'épaule. Tout est filmé strictement sur trépied. Plans fixes donc, généralement. Et s'il y a des mouvements de caméra, ceux-ci sont toujours effectués à l'aide d'un chariot glissant sur des rails, ou au moyen d'une grue. Pourquoi ? Ce n'est là pur caprice de réalisateur. ll s'agit au contraire d'une volonté de mise en scène, de délimiter un champ où l'action puisse se situer. Espace précis, encadré, qui me permet de maîtriser tous les mouvements à l'intérieur du plan, et aussi de diriger les personnages dans les limites du lieu. Travail de fiction on ne peut plus.

On dit : Boris Lehman travaille à la frontière du documentaire et de la fiction. Mais je ne donne pas la parole aux exclus, aux marginaux, aux fous, du moins directement. Je ne fais pas du reportage. Il n'y a jamais d'interviews dans mes films. Au contraire, je travaille sur la forme – le JE–, sur la narrativité, les expérimentations sur les nouvelles façons de raconter. Et donc, finalement, je raconte des histoires. Bien sûr ce ne sont pas des scénarios académiques imposés par le système des coproductions. Et puis, je ne travaille pas souvent avec des acteurs professionnels. Mais Tati ou Bresson et beaucoup d'autres l'ont fait avant moi.

En réalité, la fiction chez moi vient toujours s'immerger sur un fond documentaire, parfois même ethnographique, parce que je m'intéresse beaucoup aux gestes du quotidien, aux rituels humains, à tous les petits détails qui rendent compte de la place de l'homme dans le monde. C’est le cas de tant de cinéastes, de Rossellini à Kiarostami, de Pasolini à Eustache. Jamais pour ces cinéastes, le malentendu ou la confusion entre cinéma documentaire et cinéma de fiction ne s'est posé. J'irais même plus loin, en déclarant que Vertov et Flaherty surnommés les pères du cinéma documentaire, faisaient aussi de la fiction, comme Eisenstein. Et c'est d'autant plus vrai qu'on décèle chez eux une écriture, un style, un point de vue, une manière personnelle de filmer.

Peut-être faudrait-il rapprocher mon travail des cinéastes comme Chris Marker, qui font un cinéma un peu hybride, qui tient de l'essai cinématographique, à cheval sur la philosophie, les beaux-arts et la poésie.

Il ne viendrait à l'idée de personne de dire que l'œuvre de Borgès, de Pérec, de Greenaway, de Raul Ruiz, de Boltanski, de Paul Auster, de Pessoa avec lesquels je suis apparenté à plus d'un point, soit documentaire.

Mes films sont comme des fables, avec pour décor le réel. Ils empruntent la forme simple du journal intime et ils sont autobiographiques, puisqu'ils parlent très souvent de quête d'identité et de recherche d'origine, et que j'y apparais très souvent comme sujet, et comme personnage. Mais cette quête et cette recherche sont constamment fictionalisées, scénarisées et mises en scène, comme le témoignent par exemple Couple, Regards, Positions, Babel, et mes films les plus récents : A la recherche du lieu de ma naissance et Leçon de vie.

Seuls : Boris Lehman aura lieu jeudi 14 mars 2019 à 20h au KASKcinema. Plus d’informations au sujet de la projection ici.

ARTICLE
27.02.2019
NL FR EN
In Passage, Sabzian invites film critics, authors, filmmakers and spectators to send a text or fragment on cinema that left a lasting impression.
Pour Passage, Sabzian demande à des critiques de cinéma, auteurs, cinéastes et spectateurs un texte ou un fragment qui les a marqués.
In Passage vraagt Sabzian filmcritici, auteurs, filmmakers en toeschouwers naar een tekst of een fragment dat ooit een blijvende indruk op hen achterliet.
The Prisma section is a series of short reflections on cinema. A Prisma always has the same length – exactly 2000 characters – and is accompanied by one image. It is a short-distance exercise, a miniature text in which one detail or element is refracted into the spectrum of a larger idea or observation.
La rubrique Prisma est une série de courtes réflexions sur le cinéma. Tous les Prisma ont la même longueur – exactement 2000 caractères – et sont accompagnés d'une seule image. Exercices à courte distance, les Prisma consistent en un texte miniature dans lequel un détail ou élément se détache du spectre d'une penséée ou observation plus large.
De Prisma-rubriek is een reeks korte reflecties over cinema. Een Prisma heeft altijd dezelfde lengte – precies 2000 tekens – en wordt begeleid door één beeld. Een Prisma is een oefening op de korte afstand, een miniatuurtekst waarin één detail of element in het spectrum van een grotere gedachte of observatie breekt.
Jacques Tati once said, “I want the film to start the moment you leave the cinema.” A film fixes itself in your movements and your way of looking at things. After a Chaplin film, you catch yourself doing clumsy jumps, after a Rohmer it’s always summer, and the ghost of Akerman undeniably haunts the kitchen. In this feature, a Sabzian editor takes a film outside and discovers cross-connections between cinema and life.
Jacques Tati once said, “I want the film to start the moment you leave the cinema.” A film fixes itself in your movements and your way of looking at things. After a Chaplin film, you catch yourself doing clumsy jumps, after a Rohmer it’s always summer, and the ghost of Akerman undeniably haunts the kitchen. In this feature, a Sabzian editor takes a film outside and discovers cross-connections between cinema and life.
Jacques Tati zei ooit: “Ik wil dat de film begint op het moment dat je de cinemazaal verlaat.” Een film zet zich vast in je bewegingen en je manier van kijken. Na een film van Chaplin betrap je jezelf op klungelige sprongen, na een Rohmer is het altijd zomer en de geest van Chantal Akerman waart onomstotelijk rond in de keuken. In deze rubriek neemt een Sabzian-redactielid een film mee naar buiten en ontwaart kruisverbindingen tussen cinema en leven.