State of Cinema 2021
Projections. Provisoires. Provisions
Auparavant, les images étaient dans le monde.
Aujourd’hui, c’est le monde qui baigne dans un océan d’images.
Notre monde réel, matériel et unique ; tissé et débordé d’images réelles, immatérielles, nombrées (constituées de chiffres), innombrables.
Observer le cinéma contemporain oblige à inscrire celui-ci dans le contexte de cette exponentielle montée en puissance quantitative et qualitative des images, à s’interroger sur le rôle qu’il y a joué et joue encore.
I. OBSERVATIONS ET CONSTATS
– Les images techniques ont envahi l’univers.
– Aujourd’hui, on obtient des images des Trous noirs. Elles ressemblent aux mandalas créés par James Whitney dans son Lapis de 1966.
Concentric ripples in galactic dust clouds triggered by a black-hole burst.
(Image credit : NASA/CXC/U.Wisc-Madison/S. Heinz et al. ; Optical/IR : Pan-STARRS)
Ces images résultent en effet de tant de reconstitutions/transferts/conversions/interprétations/cosmétisations, que l’exactitude technico-scientifique ne correspond plus qu’à la sphère dite « RAW » : celles des données brutes, distincte de l’iconographie que l’on peut en dériver. Il existe d’ailleurs des sites, tels « Junocam » ou « Pluto Encounter », pour s’amuser à travailler les données recueillies par la Nasa afin de les convertir et transformer en imagerie.
Pluto : galerie de données brutes.
Saturne, Titan… : galerie de données brutes recueillies par la sonde Cassini.
Mars : accession aux données brutes recueillies par Opportunity.
La NASA se charge aussi elle-même de transformer ces données en « movies », guillemets compris.
– Les images techniques ont envahi notre quotidien. Sans elles, les sociétés électroniques ne peuvent plus fonctionner, ainsi que dans le Premier Monde chacun peut en faire l’expérience en ce temps de pandémie. Tramées dans le moindre aspect de notre quotidien, émissaires des mathématiques, les images ne semblent plus que le doux revers de notre ignorance. Compensation, réassurance, allégeance aux protocoles… nolens volens et plutôt nolens, elles nous enchaînent au collectif de mille liens sans cesse plus nombreux, serrés, noués.
– À chaque nanoseconde, il se produit plus d’images (de surveillance, d’autocontrôle, industrielles, personnelles…) que dans toute l’histoire qui précède les recherches de Nicéphore Niépce. Quelles images ou agrégats de plans contemporains l’histoire retiendra-t-elle, desquels aurons-nous besoin, auxquels donnerons-nous notre amour ?
– À chaque nanoseconde, il se diffuse plus d’images sur les réseaux que dans toute l’histoire jusqu’à Nicéphore Niépce. La plupart ne sont pas vues, encore moins regardées, moins encore analysées. Beaucoup sont stockées, selon des modalités techniques qui nous assurent que très vite elles ne seront plus lisibles ni même consultables, au contraire des mains négatives rupestres dont les plus anciennes à ce jour retrouvées, à Bornéo, dateraient de 51 800 ans.
– Au sein de cette production de plus en plus massive et qui à ce jour semble aussi illimitée qu’incoercible (une telle croyance constitue sans doute l’une des principales caractéristiques/illusions de notre temps), à quoi correspond le cinéma ? À sa frange la plus élaborée, sophistiquée ? À un résidu d’ambition esthétique ? À l’existence d’un style, même non-intentionnel ? À un corpus en voie de déshérence ? À des ribambelles de catalogues sur lesquels spéculer (financièrement s’entend) ? Par différence d’avec les flux incessants de pixels et les processus linéaires d’encodage, compression, conversion, les opérations les plus spécifiques au cinéma ne relèveraient-elles pas du montage, confortant ainsi les analyses de S.M. Eisenstein, Dziga Vertov ou Orson Welles ? Et comment, depuis les grandes initiatives de Guy Debord, Jean-Luc Godard, Harun Farocki, Hartmut Bitomsky, Michael Klier… le cinéma prend-il en charge son propre environnement technologique et les enjeux qui s’y manifestent ? Les travaux actuels de Andrei Ujică, Lech Kowalski, Mauro Andrizzi, Bani Khoshnoudi, Lawrence Abu Hamdan, Jacques Perconte… semblent ici particulièrement précieux.
Lawrence Abu Hamdan, Rubber Coated Steel, Jordanie, 2016
– Un support de fichier numérique dure environ 5 ans ; une pellicule argentique, en condition de conservation correcte, environ 400 ans. Indépendamment des vertus plastiques de la pellicule, les cinéastes soucieux de durabilité, de réparabilité des outils, de patrimoine culturel, s’affairent à prolonger l’existence de l’argentique. On assiste ici à une alliance objective inédite entre certains ténors de l’industrie étatsunienne (Martin Scorsese, Christopher Nolan, James Gray, Robert Eggers…) qui exigent de tourner en 35 voire en 70mm ; les cinéastes expérimentaux, seuls ou plus souvent organisés en laboratoires et coopératives, qui tournent en 35, Super-16, 16 et S8mm ; et les cinéastes qui créent des intersections entre ces deux sphères économiques, tels F.J. Ossang, Harmony Korine ou Yann Gonzalez. Tous se déclarent mus par la même perspective à la fois de bon sens et opposée aux intérêts des fabricants de matériel acharnés à privilégier le turn-over et l’obsolescence. Nombreux restent les grands artistes de l’argentique au XXIe siècle : évidemment Peter Tscherkassky, dont Paul Grivas m’indique que son Train Again fut le seul film projeté en 35mm lors de l’édition 2021 de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes ; mais aussi Ange Leccia, Tacita Dean, Silvi Simon, qui célèbrent non seulement la pellicule mais l’ensemble des instruments argentiques, caméra, projecteur… mués en bijoux dans leurs installations ; ou, au croisement exact des cinéastes de l’industrie et des expérimentaux, Jérôme Schlomoff, capable de fabriquer de superbes caméras sténopé 35mm. Dans tous les cas, pratique et défense de l’argentique ne sont pas considérées comme passéistes et nostalgiques, mais au contraire comme proleptiques et responsables.
Jérôme Schlomoff, la Fleury-Mérogis 35 Sténopé, bi-objectifs, construite en 2001
© Jérôme Schlomoff
– Le cinéma est l’un des lieux qui nous permet de réfléchir aux rapports entre images techniques (produites par la technologie, les mathématiques etc.) et images psychiques : comment les premières fournissent des moyens de représentations aux secondes, comment les secondes servent de prospectives aux premières… les deux séries cosignées par Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville, Six fois deux/Sur et sous la communication (1976) et France/tour/détour/deux/enfants (1977) ouvrent l’un des rares grands chantiers à s’être interrogé sur de tels échanges d’ordre épistémologique. Existe-t-il, existera-t-il un équivalent au XXIe siècle ?
– Le spectre des pratiques d’images ne cesse de s’élargir.
• À l’une des multiples extrémités du rhizome : l’automatisation généralisée, plus d’humain pour fabriquer en masse des images, plus besoin de préparer des outils ou de se préparer à eux, plus besoin de lire des manuels, méditer un contenu, estimer destinataires ni même circulation. Tout est installé, disposé, optimisé, doublé, sécurisé, stocké, sans besoin d’un quelconque regard. À une autre des multiples extrémités du rhizome : des équipes de scientifiques pendant des décennies parcourent des milliers de kilomètres pour enregistrer l’infime scintillement de lumière qui leur confirmera l’existence d’une exoplanète, par exemple Proxima b.1
• À l’une des extrémités : les plateformes qui, telles des dragueurs géants, aspirent en masse n’importe quel corpus d’images pour commercialiser leur consultation, y compris par hasard de beaux films ; à une autre, les joyeuses et fines observations du curateur slovène Jurij Meden qui analyse ou invente les gestes de monstration les plus expérimentaux possibles, par exemple projeter en alternance une bobine 35mm de Over the Top (1987, Sylvester Stallone) et une de King Lear (1987, Jean-Luc Godard), et ce jusqu’à la fin des deux films produits la même année par Menahem Golan – pour une séance intitulée King Lear Over the Top Dedux.2
• À l’une des multiples extrémités du rhizome : les algorithmes qui préconisent la consultation d’images en fonction de celles que vous avez déjà vues ; à l’autre extrémité : les propositions sui generis élaborées par Luc Vialle sur la page de la Loupe. Décaméron électronique, La Loupe constitua l’une des plus généreuses, prodigues, désintéressées, efficaces des expériences collectives de cinéphilie, conduite au cours du premier enfermement pandémique généralisé. Pendant 17 mois (mars 2020-12 juillet 2021), La Loupe permit à des milliers de personnes de par le monde (jusqu’à 16 000) d’échanger fichiers de films non commercialisés, textes, idées, informations et suggestions dans un esprit de découverte effervescent. Un instant, en un improbable lieu virtuel, l’histoire du cinéma devint non seulement plus « véritable » (puisqu’en images et en sons, selon le vocabulaire godardien) mais aussi plus juste, puisque, respectant autant qu’il était possible le droit d’auteur, La Loupe mit à l’honneur les cinéastes hors-commerce, méconnus et oubliés, donc souvent engagés, expérimentaux, marginalisés pour diverses raisons. Rivalisant d’expertises très différentes les unes des autres, les administrateurs et membres de la Loupe renouvelèrent les gestes d’explications et de partage dans ce qui cumula spontanément les fonctions d’une cinémathèque, d’une université, d’une maison d’édition, d’un bureau de poste et d’une rave party, en assurant ces tâches de façon bénévole et totalement libre, donc beaucoup mieux. Chaque cinéphile, époustouflé de découvrir des pans entiers de l’histoire des images et de pouvoir y accéder immédiatement, quelles que soient ses prédilections, s’en trouva enrichi. Parmi ces dons et gestes, qui souvent supposaient beaucoup de travail en amont, ceux de Luc Vialle frappèrent par leur complétude : ils offraient simultanément de beaux sujets, de vastes corpus de titres rares, des catégories originales, une histoire, des descriptifs, des explications et les fichiers des films — comme si, par magie, une édition spéciale du Cinéma art subversif comportait physiquement l’ensemble du corpus mentionné par Amos Vogel. Le terme de « curation », à la fois soin, programmation, nettoyage (de l’imaginaire), guérison, pour une fois prenait tout son sens.3
• Dans un nexus du rhizome : le turn over des technologies de reproduction, l’obsolescence programmée, la domination de quelques tristes archétypes, l’empire des panoplies ; au revers de ce nexus : l’expérience La Clef Revival, qui consiste à sauver la dernière salle associative de Paris, une idée du cinéma et à travers celle-ci, de l’existence humaine. L’association Home Cinéma occupe une salle emblématique du Quartier latin, La Clef, depuis le 20 septembre 2020. Il s’y déploie depuis lors l’une des plus passionnantes expérimentations de cinéma : programmation, production, publication d’ouvrages, émissions de radio, création d’un magazine… La Clef Revival est à la fois un cinéma en lutte, un collectif en procès, une Zone d’Images À Défendre, un ensemble de brillantes contre-attaques contre le monde administré et un concentré de tout ce que le cinéma a produit d’idées émancipatrices. Le petit peuple cinéphile ne s’y est pas trompé, puisqu’une collecte pour racheter le lieu a très vite réuni la considérable somme nécessaire, témoignant qu’il ne s’agissait pas du combat d’une poignée de desesperados nostalgiques, mais de la pérennisation des idéaux de liberté et d’épanouissement dans la culture par opposition aux logiques paupérisantes de l’industrie culturelle — dans la lignée de la Commune française, des Diggers étatsuniens, des Provos néerlandais, de l’Autonomia italienne, de toutes ces initiatives populaires révoltées d’où renaissent l’art et la pensée.4
La Clef, façade principale, octobre 2020 : René Vautier par Urm-le-Fou
La Clef, façade Est, octobre 2020 : citation de Jean-Luc Godard
La Loupe, les Laboratoires coopératifs, la Clef Revival se réduisent-ils à des îlots incongrus, temporairement tolérés par l’industrie culturelle ? Peut-il exister des Clefs partout, s’agirait-il d’élitisme ? C’est tout le contraire. Le jour où on vous coupe l’électricité, comme au Liban dévasté, ne restent que les livres et les photogrammes. Jérôme François ou Bob Dylan ne s’y trompent pas, eux qui travaillent à transposer en toiles peintes des photogrammes de cinéma. Fin de la parenthèse numérique, le photochimique reste devant nous, bonjour Monsieur Niépce.
Jérôme François, Le photographe, France, 2019
– La grande affaire qui agite aujourd’hui le petit commerce concerne les canaux de diffusion : salles en dur, plateformes électriques ? Le cinéma a toujours vécu de séismes et métamorphoses technologiques, pourtant, ce n’est jamais là que s’est joué sa grandeur artistique. Deux phénomènes ici peuvent frapper les cinéphiles.
En premier lieu, sur les sites pirates qui proposent les films avant même leur sortie en salles, donc là d’où les films désormais circulent le plus, la Politique des Auteurs, précipitée dans les oubliettes de l’histoire technologique, a perdu son combat : les œuvres ne se cherchent plus par nom d’auteurs, comme pour les écrivains ou les peintres, mais par titre de film et date. Le nom du ou de la cinéaste n’est ni mot-clé, ni plus-value, ni signe distinctif.
Mais en second lieu, la numérisation en vrac des œuvres protège et rehausse la visibilité d’œuvres autrefois rares voire inaccessibles. Jamais jusqu’à présent les cinéphiles n’ont eu aussi aisément accès aux corpus des films engagés et expérimentaux, dans des versions certes dégradées mais qui en permet au moins la consultation. Cette accessibilité croissante engendrera-t-elle des histoires plus justes et mieux informées ? Je veux le croire, j’en suis certaine. Notons ici que le célèbre site semi-pirate et non clandestin UbuWeb, œuvre de Kenneth Goldsmith le farouche défenseur de la formule « piracy is preservation », appartient désormais officiellement au patrimoine académique, non seulement sous sa forme électronique d’origine, mais sous forme de livre et de microfilm puisque, chacun l’a expérimenté, une feuille de papier possède plus de longévité qu’un fichier numérique. Quel futur pour le monde digital ? Le livre.5 On comprend pourquoi prudemment le premier a gardé un ancrage dans la terminologie du second : « page », « dossier », « fichier », « portfolio », et même « carte graphique » …
– Jouissant à la fois de sa disponibilité généralisée et d’une conception de plus en plus affinée et extensive de ses corpus et enjeux, le cinéma offre des initiatives historiographiques toujours plus nombreuses. Il se décrit et se sculpte lui-même, se diffracte, conforte et enrichit de façon exponentielle, dans la lignée des histoires du cinéma par lui-même ouverte par Marcel L’Herbier et Jean Epstein. Parmi ces histoires réflexives, beaucoup s’attachent à exhumer des images et événements oubliés, censurés, jamais vus, comme y travaillent par exemple Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, John Gianvito, Hu Jie, William E. Jones, Susana de Sousa Dias, Mary Jirmanus Saba, Dónal Foreman…
– Il n’existe toujours pas assez de mots pour décrire les phénomènes de cinéma. Par exemple, si je veux écrire un texte sur les innombrables silhouettes enregistrées par les films, le terme commun de « figurant » reste fallacieux pour le champ documentaire où le corps ne signifie pas autre chose que lui-même ; et il faut inventer des noms pour leurs différents états plastiques, statuts figuratifs, modalités de présence… Bien que fondamental à la fois anthropologiquement et esthétiquement, ce travail n’a pas encore été accompli. De tels constats incitent à penser que, pour ce qui concerne le cinéma, tout reste à élaborer.
II. QUELLES FONCTIONS POUR LES IMAGES AU XXIE SIECLE ?
– Depuis la Renaissance occidentale, les images participent d’une entreprise scientifique, la conquête du visible puis de l’invisible ; qui s’est aussi diffractée en conquête impérialiste et coloniale des territoires physiques, ainsi qu’en rendent magistralement compte chacun à leur façon et presque simultanément Déjà le sang de mai ensemençait novembre (1982) de René Vautier et Du Pôle à l’Équateur (1986) de Angela Ricci Lucchi et Yervant Gianikian.
– Au XXe siècle se développe avec abondance la réflexion critique sur les images. Que ce soit pour en exalter les puissances bénéfiques ou avertir de leurs effets toxiques, on leur attribue toutes les propriétés, attributs, fonctions, rôles possibles, dans les champs de la connaissance, des transactions sociales, des processus psychiques. L’une des sources les plus vives jaillit des écrits de Jean Epstein, en particulier Le Cinéma du diable (1947, éloge du cinéma comme puissance de désordre) et « Ciné-analyse ou poésie en quantité industrielle » (1949, mutilation des imaginaires par le cinéma industriel).
Or, la nappe hydrique qui alimente la source artésienne des réflexions de Jean Epstein porte un nom : Arthur Rimbaud. À relire aujourd’hui les analyses de l’écriture d’Arthur Rimbaud par Jean Epstein, on s’aperçoit qu’elles sont riches des qualités qu’Epstein transposera ensuite sur le cinéma qu’il appelle de ses vœux. Voici cent ans exactement, Jean Epstein publiait ces lignes dans la revue L’Esprit nouveau : « Poète si respectueux de la poésie qu’il ne voulait en sa présence ni règles, ni lois, ni science, ni critique, ni traduction, ni ordre, mais rien que la poésie qui grelotte nue dans un cerveau ; intelligent, trop, il découvrit, penché sur lui-même, la poésie de l’intelligence, la poésie des associations intellectuelles, des compréhensions soudaines, des illuminations, des pyrotechnies où trente idées à la fois flambent, ronflent, fusent, bruissent et parfument ; des images qui ne font pas voir, mais font découvrir, prévoir, anticiper et comprendre ; des images dont le nœud coulant fulgure et s’abat, lasso inattendu, sur des nuques encore vierges de col et que celui-ci nous donne toutes frémissantes d’une longue liberté ; des images nues et, ce comble, neuves ; inventeur qui use le premier du raccourci, qui brouille les époques, les dates, les plie et les déplie comme ces panoramas qu’on vend en Suisse près des points de vue, qui innove la concision, la précision et la suggestion, qui fore l’avenir et le présent d’une seule percée, qui ajuste l’écriture sur la pensée, qui pose des pièges et y capture le momentané, l’éphémère, le soudain, le mobile, le vivant ; qui découvre un rythme nouveau, une pensée, une manière de penser nouvelle ; visionnaire, il voit tous les rapports, le miracle continue ; païen, il ne sacrifie pas au marbre, mais à la vie ; imprévu, aigu, tranchant, il aperçoit des correspondances, il accorde le son à la couleur, et la couleur à la forme, la forme au rythme ; il veut un verbe poétique accessible à tous les sens. »6
Un autre texte de Jean Epstein sur Arthur Rimbaud, L’Esprit nouveau 17, 1922
La source ne se tarit pas. Aujourd’hui encore, le lit central de la rivière-cinéma reste ce qui, dans les films, se montre fidèle à la vie, aux mystères de son énergie, par opposition aux règles de l’existence socialisée. En tant qu'humains, nous sommes désormais conscients que l'humanité, et en particulier sa partie occidentale, s’avère l'espèce la plus toxique, prédatrice et absolument folle de la planète Terre, au point de détruire son propre habitat.
– En tant que cinéphiles, nous avons désormais bien compris que le cinéma, fils du monde industriel, représente un ensemble de dépenses somptuaires de ressources naturelles, dépenses pour la plupart inutiles et dommageables pour l'imaginaire. Notre existence en tant qu’espèce menaçant l’ensemble du vivant, les films du XXIe siècle cherchent comment le cinéma peut se délivrer de ses déterminations anthropocentriques et industrielles.
« Nature, the inexhaustible resource of encounters worthy of speechless communication », Fergus Daly invente-t-il de faire dire à Abbas Kiarostami au cours d’une excursion sur un ombilic du cinéma documentaire, l’île d’Aran.7
Fergus Daly, The Mirror of Possible Worlds, Irlande, 2020
Comment le cinéma peut-il se montrer à la hauteur des enjeux contemporains et redevenir une puissance de vie ? Partout dans le monde, les cinéastes explorent de nouvelles solutions, d’ordre technologique, iconographique ou symbolique — mais sans doute moins pour sauver ni prolonger le cinéma que, plus obscurément, pour engranger des images du vivant qui dureront plus longtemps que celui-ci et qui, sans plus aucun regard sur elles, peupleront une terre inhabitée, à la manière de statues encore d’aplomb dans un désert de sable.
III. LE CINEMA ET LE VIVANT.
Un premier pan de solutions travaille à réarticuler le cinéma et le vivant. Ici, les cinéastes :
– fabriquent eux-mêmes leurs caméras (Jérôme Schlomoff), leurs émulsions et pellicules (Robert Schaller, Alex MacKenzie, Esther Urlus, Lindsay McIntyre…)8 ;
– laissent les plantes réaliser photochimiquement leurs propres films (Karel Doing et ses ateliers phytographiques) ;
– recyclent les pellicules déjà impressionnées au lieu de tourner de nouveaux films, pour des résultats souvent bien plus passionnants que leur matériau d’origine (Kerry Laitala, Tony Cokes, Jayce Salloum, Yves-Marie Mahé…) ;
– rapatrient l’humain dans le champ de l’animal (Philippe Grandrieux, trilogie Unrest, 2012-2017) ;
– portraitisent paysages, animaux ou végétaux comme autrefois on monumentalisait les souverains (Philippe Grandrieux encore avec L’Arrière-saison, 2007, Jayne Parker et ses portraits d’amaryllis, Silvi Simon et ses paysages d’herbes ou d’oiseaux, Scott Barley et son univers nocturne sans repères, le Collectif mexicain Los Ingrávidos, Malena Szlam, Altiplano, 2018, Felix Blume recueillant les sons du désert, Luces del desierto, 2021) ;
– luttent pour la préservation des sites ou la restauration de la diversité dans le vivant (les films de l’association L214, Tiane Doan na Champassak et Jean Dubrel, Jharia, une vie en enfer, 2014, François-Xavier Drouet, Le temps des forêts, 2018, Jacques Perconte, Avant l'effondrement du Mont Blanc, 2021…) ;
– historicisent et politisent l’appréhension des espèces (Anja Dornieden & Juan David González Monroy, Her Name Was Europa, 2020) ;
– expérimentent l’hypothèse d’une écoute animale (Zélie Parraud, Promenades, 2020).
Leurs films élèvent des prières au vivant (Wolfgang Lehmann, Birds by the Sea, 2008), des hymnes à la catastrophe (Artavazd Pelechian, La Nature, 2019), dansent avec la pluie et le tonnerre (Cecilia Bengolea, Lightning Dance, 2018).
Wolfgang Lehmann, Fåglar vid havet (bön)/Birds by the Sea (Prayer), Suède, 2008
Jayne Parker, A Floral Tribute for Essex Road, UK, 2019
De tels artistes relégitimisent le cinéma comme art et artisanat, dans un univers où la place de l’humain correspondrait à celle que lui attribuait Amos Vogel dès 1974 dans son introduction à Film as a Subversive Art. « Peut-être faut-il alors reprendre courage et, dans un élan d'humilité orgueilleuse, se reconnaître pour ce que nous sommes dans le cosmos : primitif, périphérique, temporel ; tardifs arrivants, mus par une opiniâtre volonté de grandes réalisations et une confondante malfaisance, luttant pour joindre les deux bouts dans un endroit à peine perceptible dans une ordinaire galaxie insulaire. Et peut-être le cosmos lui-même n'est-il qu'un atome dans un super-univers inimaginable, et les électrons des galaxies de mondes microscopiques en-deçà du royaume de la compréhension ».9
IV. CONSTRUCTIVISMES, DE NOTRE TEMPS
Un deuxième pan de solutions consiste à dénuder les fonctionnements des images contemporaines : pour les expliquer, déployer, relativiser, historiciser, détourner. Les œuvres fondamentales de William E. Jones (passim), Marine Hugonnier (passim), Bani Khoshnoudi (1968: A Blind Archive, 2014, The Silent Majority Speaks, 2018), Sebastian Wiedemann (Los (De)pendientes, 2016), Mohanad Yaqubi (Off Frame AKA Revolution until Victory, 2016), Mary Jirmanus (A Feeling Greater than Love, 2017), Nika Autor (Newsreel 63 – Train of Shadows, 2017), Billy Woodberry (Marseille après la guerre, 2015, A Story From Africa, 2018), Carlos Adriano (O que há em ti, 2020) – corpus bien sûr non exhaustif – prennent la relève des analyses visuelles fondatrices de Al Razutis, Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin, Harun Farocki, Hartmut Bitomsky, Andrei Ujică ou Tacita Dean. Elles créent autant de chapitres et d’ouvertures pour une histoire critique où la massivité et la complexité des pratiques de recouvrements, censure, absentéisation, refoulement et même assassinat (William E. Jones, Killed, 2009) démontrent que, de même qu’en tant que sujet plastique toute image consiste en une structurante dialectique entre champ et hors-champ, latent et patent, visible et invisible, de même en tant qu’objet historique elle affrontera toujours les codes du recevable, du regardable, de l’intelligible qui parfois la plongent dans de noires abysses.
Un film saisit à la racine tout un pan des images et enjeux contemporains, en décrivant comment une Intelligence Artificielle appréhende, encode, restitue et commente les phénomènes les plus tragiques et complexes : A.I. at War de Florent Marcie (2021).
Florent Marcie, A.I. at War, 2021
Le principe du film consiste à confronter Sota, un petit robot construit en Malaisie, sur des théâtres de guerres à peine terminées que Florent Marcie connaît bien pour les avoir déjà longuement filmées et photographiées : l’Afghanistan et la Syrie. Qu’est-ce qu’une A.I. comprend et transmet d’une situation de chaos, de destruction et de mort ? Avec Sota, Florent Marcie narrativise la façon dont on nourrit les algorithmes de reconnaissance, c’est-à-dire ce qui, un jour, constituera le fond de notre propre appréhension des phénomènes, l’architectonique de nos expériences. « Filmer une situation tragique en compagnie d’un robot qui filme lui aussi et qui donne son avis permet de décoller de l’actualité et de l’analyse géopolitique, de s’affranchir de certains codes, de transgresser innocemment. La perspective devient plus historique, plus universelle, mais aussi plus subversive. La subjectivité innocente du robot élargit la perspective à l’espèce humaine, avec une pointe de tragico-burlesque. »10
A.I. at War offre une actualisation d’Allemagne année zéro (1947, Robert Rossellini) : parcourir les ruines de Mossoul et de Rakka en compagnie de Sota, comme autrefois celles de Berlin en compagnie d’Edmund, oblige à regarder celles-ci à neuf, dans l’étendue de leur horreur et de leur absurdité, donc à réfléchir à leurs conditions de possibilité, donc à nos actes, à nos convictions, à nos croyances. « Qu’est-ce que la réalité ? », « que vois-tu ? », « peux-tu mourir ? », « pourquoi vis-tu ? » : le caractère enfantin du protagoniste en processus d’apprentissage permet de poser des questions simples et fondamentales, auxquelles celui-ci répond de façon parfois complexe, parfois ironique, parfois sublime. « Quel est le sens de ta vie ? » « Inconnu. Ce n’est pas un problème de ne pas savoir. J’aimerais en savoir plus à ce sujet. » Mais, pas plus qu’Edmund poreux à l’influence de son instituteur nazi, Sota n’est totalement innocent, puisqu’il provient d’une technologie née à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’optronique, d’où dérivent aussi les systèmes de téléguidage permettant aux missiles d’atteindre leurs cibles. À l’instar d’Edmund, Sota nous envoie des nouvelles des enfers très concrets que seul l’humain est capable de créer sur terre et nous montre comment les agents d’un système en deviennent les victimes.
Instrument scientifique, jouet, caméra, compagnon, enfant, révélateur, intercesseur, objet transactionnel, appât, fétiche, emblème, laboratoire, centre de documentation, lanterne magique, nouvelle forme de personnalité, Sota nous apprend que nous aussi, face à une image ou à un phénomène, nous ferions bien de commencer nos phrases par : « Je crois que les probabilités de ce que je vois sont… », version chiffrée du Malin génie cartésien, celui qui nous incite à douter de tout.
Florent Marcie, A.I. at War, 2021
Comme tout l’œuvre de Florent Marcie, A.I. at War nous montre ce que désormais un individu à lui seul peut accomplir en images et en sons dans une situation historique périlleuse. Par différence encore d’avec les plans d’ouverture d’Allemagne année zéro sur Berlin en ruines (pris depuis une voiture), Florent Marcie réalise lui-même au moyen d’un drone les plans aériens sur Mossoul détruit. La réalisation de ces plans spectaculaires aura supposé un travail d’hacking accompli en autodidacte. « En Syrie ou en Irak nous sommes dans des no-fly zones : il n’y a pas de droit de faire voler un engin. Concrètement pour un drone, cela consiste à le bloquer : quand il s’allume, il se repère par GPS et dans son programme est intégré qu’en no-fly zone il ne puisse pas décoller. (…) Je suis entré dans le code source du drone et j’ai modifié les lignes de la no-fly zone, mais aussi du plafond de vol autorisé – légalement c’est 500 mètres, mais je peux le faire monter à 3000 – ou la vitesse de déplacement. »11
Or, avec ces plans aériens, contrairement aux establishing shots ordinaires, il ne s’agit pas seulement de décrire Mossoul ni même un théâtre de guerre contemporaine en général. « Je trouvais intéressante l’idée d’un esprit qui plane au-dessus de nous. Ce n’est pas seulement le drone pour la vue qu’il donne : l’intelligence artificielle est une technologie qui passe par le cloud, c’est-à-dire par le nuage. L’I.A. représente donc une forme d’esprit flottant. »12 L’ouverture de A.I. at War emblématise la sphère technologique qui rend possible de telles images, nous enveloppe de toutes parts, appareille notre appréhension et structure désormais notre entendement.
V. LE SPECTRE DES DEVENIRS
Parmi les questions qui depuis deux ans travaillent Jean-Luc Godard, revient souvent celle-ci : « qu’a pensé Nicéphore Niépce quand il a réussi sa première photo depuis sa fenêtre ? ». L’une des moins mauvaises réponses serait que, précisément, Niépce n’a jamais pensé qu’il avait inventé la photographie, puisqu’il considérait que ses productions héliographiques restaient absolument insatisfaisantes au regard de ses propres attentes et idéaux. Niépce meurt en 1833, persuadé qu’il avait échoué. Le cinéma procède de cette dynamique niépcienne : toujours à inventer. C’est pourquoi on peut jouer avec ses devenirs, comme lui-même a joué avec les nôtres, et lui esquisser quelques trajectoires évidemment compossibles, à la manière des mondes d’Auguste Blanqui.
1. Devenir attesté
Les arts filmiques requièrent encore des espaces et outils spécifiques, toujours plus nombreux, toujours plus miniaturisés, toujours plus intrusifs, dont les êtres vivants harnachent n’importe quel objet et s’harnachent toujours plus eux-mêmes.
Plus rien n’échappe à l’identification ni au contrôle.
Que ce soit pour surveiller les gestes réels ou dompter les imaginaires, les dispositifs filmiques s’avèrent les meilleurs alliés du monde totalitaire, plus puissants que n’importe quelle arme létale.
Quelques résistants épars dans le monde s’acharnent à réaliser de beaux films, dignes d’Arthur Rimbaud ou Stéphane Mallarmé.
ARCHEOLOGIE
– Le « système Bertillon », ou anthropométrie criminelle.
– Hildebrands Deutscher Kakao, Verbesserte Röntgenstrahlen im Jahre 2000 [Rayonnement amélioré en l’an 2000], 1900.
Hilbrands Deutscher Kakao, Verbesserte Röntgenstrahlen im Jahre 2000 [Rayonnement amélioré en l’an 2000], 1900
PROLEPSES CONTEMPORAINES
Nous empruntons l’usage de ce terme au cinéaste et théoricien Edouard de Laurot : par « cinéma proleptique », de Laurot entendait celui qui, dans le présent, cherche et cultive les germes d’un futur plus juste. Parmi d’autres, Mostafa Derkaoui a développé une conception similaire dans De quelques événements sans signification (1974).
Mostafa Derkaoui, De quelques événements sans signification, Maroc, 1974
Clarisse Hahn, Notre corps est une arme. Prison, France, 2011
Bani Khoshnoudi, The Silent Majority Speaks, Iran, 2010
2. Futur probable
Plus d’équipe humaine pour créer les films. Des appareils installés dans les espaces publics ou privés, capables de créer des images de tous formats et toutes plastiques, fonctionnent en permanence, sans scénarios ou avec des scénarios générés par des I.A. alimentées aux algorithmes. Mais ces algorithmes n’ont été nourries que par l’infâme bouillie déversée par des plateformes industrielles.
Partout dans le monde, parfois réunis autour des vestiges de Cinémathèques ou des ruines d’anciennes salles de cinémas, quelques groupes de résistants préservent la mémoire des arts et persistent à produire des contre-histoires, parfois même en s’adressant la parole au préalable. Aussi lucides et contestataires que soient leurs films, les États totalitaires ne les considèrent pas comme plus dangereux que les amulettes fabriquées en série par des sectes farfelues. Les cinéastes le savent mais filment pour transmettre le plus possible d’informations, de rêves et quelques signes affectueux aux générations suivantes.
ARCHEOLOGIE
– Le gavage des oies dans le Sud-Ouest de la France.
– Holger Meins, Ulrike Meinhof, Nagisa Oshima, Koji Wakamatsu, Masao Adachi, Aloysio Raulino, Alan Clarke, Peter Watkins, Sidney Sokhona (liste non-exhaustive)
Michel Brault, Les ordres, Canada, 1975
Ken Brown, Home Movies, USA, 1985 (dessin)
PROLEPSES CONTEMPORAINES
Rashid Masharawi, A Ticket to Jerusalem, Palestine, 2002
Hu Jie, Images de propagande de la révolution culturelle, Chine, 2014
3. Futur possible
Plus d’outils pour créer les films. Des nanopuces sont implantées dans les nerfs optiques des êtres vivants et leur envoient à volonté des doses d’images et de sons. Les Écoles d’Art s’intègrent aux Académies de médecine et aux hôpitaux, on y apprend la posologie des images. Les textes d’Antonin Artaud au sujet du cinéma ne sont plus considérés comme des divagations mais comme des manuels.
Beaucoup de résistants refusent l’implémentation, passent dans la clandestinité et persistent à créer des images et des sons avec d’antiques instruments, conservés ou créés de toutes pièces.
ARCHEOLOGIE
– Chromatrope, 1860.
– Émile Cohl, Les lunettes féériques, France, 1909.
– Ossama Mohammed, Khutwa Khutwa, Syrie, 1978.
– Robert Kramer, Ghosts of Electricity, France-Suisse, 1997.
Chromatrope, 1860
PROLEPSES CONTEMPORAINES
Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval, Nous disons révolution, France, 2021
4. Futur souhaité
On arrête de penser toujours plus le cinéma en termes d’outils et de commerce. On revient aux contenus, aux enjeux, on accorde aux films la même attention qu’aux fresques pariétales ou à la moindre fleur tissée dans la tapisserie de la Dame à la Licorne. Sont considérés comme film tout enchaînement d’images en mouvement et comme événement majeur tout déchaînement de sens. Le spectre des formes ne cesse de s’élargir, soudain le cinéma s’avère aussi riche formellement que la poésie, que la musique, que la biosphère.
Parfois, avant de créer une image, les créateurs de films éprouvent le besoin de relire Héraclite, Hésiode, Flora Tristan, James Joyce, Les Cantos Pisans ou F. J. Ossang.
ARCHEOLOGIE
– Bruno Corra, L’arc-en-ciel, La danse, films peints, 1912.
– Blaise Cendrars, La fin du monde filmée par l’Ange N.-D., Éditions de la Sirène, illustrations de Fernand Léger, 1919.
Blaise Cendrars, La fin du monde filmée par l’Ange N.-D., Éditions de la Sirène, illustrations de Fernand Léger, 1919
PROLEPSES CONTEMPORAINES
Dominique Gonzalez-Foerster, Plages, France-Brésil, 2001
Ange Leccia, Perfect Day, France, 2007
5. Futur déli(v)ré
Le monde devient une permanente explosion festive de couleurs, de sons, d’images matérielles et immatérielles. À chaque coin de rue, dans chaque champ en friche, on peut s’amuser à sculpter des agrégations d’images mobiles comme on sculpte des sons avec le Thérémine. Nos psychés et nos poches débordent d’icônes et de sons, nous en jouons à tout moment, seuls ou ensemble. Les vitraux des cathédrales et leurs réinterprétations par Stan Brakhage ou Téo Hernandez sont enseignés en maternelle. La vie est délivrée de toute mesure quantitative et n’est plus quadrillée que par la course du soleil. Plus personne ne sait où se place le « h » d’algorithme. Les mathématiques ne servent plus qu’à préserver le vivant.
ARCHEOLOGIE
– La pyrotechnie, Chine, IIe siècle av. J-C.
– Le Dôme géodésique de Ken Kesey, USA, 1968.
– Vladimir Vissotsky, Derek Jarman
– José Antonio Sistiaga, Impresiones en la alta atmósfera, Pays basque, 1989.
José Antonio Sistiaga, Impresiones en la alta atmósfera, Pays basque, 1989
PROLEPSES CONTEMPORAINES
Karel Doing, Goldenrod, Pays-Bas, 2021
Pour Robert Fenz (1969-2020), Rest In Revolt
- 1C’est la méthode des transits ou occultation. Comme tant d’autres, ce travail de terrain est en passe d’être remplacé par les I.A. (consulté le 22 novembre 2021).
- 2À la Cinémathèque de Ljubljana. Jurij Meden, Scratches and glitches. Observations on Preserving and Exhibiting Cinema in the Early 21st Century, Vienne, FilmmuseumSynemaPublications, 2021.
- 3Cf : la proposition de Luc Vialle sur les sexualités, postée le 15 avril 2020, republié sur Sabzian, le 23 décembre 2021.
- 4Le site de l’association en lutte.
- 5« Ultimately these video and audio samples will accompany the printed or microfilmed version of UbuWeb as a set to be donated to Colorado College, who have offered longterm care of the item as part of their special collections related to the “future of the book ». (page consultée le 21 novembre 2021).
Cf aussi Agnès Peller, Ubuweb de Kenneth Goldsmith, un geste artistique dans les Humanités numériques, sous la direction de Nicole Brenez, Paris, la Sorbonne nouvelle, 2014 ; et Kenneth Goldsmith, Duchamp Is My Lawyer.The Polemics, Pragmatics, and Poetics of UbuWeb, Columbia University Press, 2020.
- 6Jean Epstein, « Le phénomène littéraire », L’Esprit nouveau, no. 13, 1921. Aussi dans Écrits complets 1917-1923, vol 1, Éditions de l’œil, Paris, 2019.
- 7Fergus Daly, The Mirror of Possible Worlds, 2020.
- 8Cf Noélie Martin, Ethnographie d’une pratique filmique actuelle : la fabrication des émulsions artisanales, sous la direction de Patricia Falguières, Paris, EHESS, 2016.
- 9Amos Vogel, Film as a Subversive Art, New York : Random House, 1974. Nous traduisons. Texte original : “Perhaps, then, we must take heart and in an outburst of proud humility, recognize ourselves for what we are in the cosmos : primitive, peripheral, temporal ; late arrivals, with a stubborn drive towards great achievement and spectacular evil, struggling to make ends meet in a barely noticeable location in an ordinary island galaxy. And perhaps the cosmos itself is merely an atom in some unimaginable super-universe and electrons the galaxies of microscopic worlds below the realm of comprehension.”
- 10« Filming a tragic situation in the company of a robot that also films and gives its opinion allows us to take off from current events and geopolitical analysis, to free ourselves from certain codes, to innocently transgress. The perspective becomes more historical, more universal, but also more subversive. The innocent subjectivity of the robot broadens the perspective to the human species with a twist of tragico-burlesque. »
Propos recueillis par Thibault Elie, dossier de presse, 2021, republié sur Sabzian, le 22 décembre 2021.
- 11Florent Marcie, in Elie Thibault, Florent Marcie sur le front de l’information : combattre avec le cinéma (manuscrit inédit, à paraître).
- 12Ibidem.
Merci à tous les cinéastes, plasticiens et ayant-droits.
Une première version de la Partie IV a été publiée in Cecilia Barrionuevo, Marcelo Alderete (eds.), ¿Qué será del cine? Postales para el futuro, Mar del Plata, 2020.
Par analogie avec des initiatives similaires dans d’autres arts, Sabzian a lancé en 2018 une tradition annuelle : une invitation pour écrire un State of Cinema et pour choisir un film y correspondant. Une fois par an, le cinéma est ainsi passé au crible par un texte qui le défie, l’interpelle, le dirige ou justement refuse toute détermination, le met à l’épreuve et en péril, lui fait un procès, l’embrasse, le glorifie ou le maudit. Un plaidoyer, une déclaration, un manifeste, un programme, un témoignage, une lettre, des excuses ou peut-être même un acte d’accusation. Mais dans tous les cas, un appel à réfléchir sur ce que le cinéma signifie aujourd’hui, sur ce qu’il pourrait ou devrait signifier.
Pour la quatrième édition le 23 décembre 2021, Sabzian a eu l'honneur d'accueillir l'historienne du cinéma, universitaire et commissaire d'exposition française Nicole Brenez, qui a choisi le film A.I. at War (2021) de Florent Marcie.