Ku Qian

Ku Qian
Bitter Money
Wang Bing, 2016, 152’

Film Comment: What’s your next move?

Wang Bing: Traveling, shooting, editing, more traveling, more shooting, more editing. [...]

In Ta’ang people always talk about money and money is always shown. In Bitter Money people always talk about money but money is never shown.

I am not sure this fact you highlight was intentional on my part. But I would like to talk about the title Bitter Money for a minute. The title is very important and it was chosen carefully. In Huzhou ‘bitter money’ is a slang expression that workers use to say ‘I am going away from home to work.’ It is a very common way of saying in this city, everyone uses it. Coming from Northern China, I had never heard of this expression before, and I was curious about it. So over the course of the shooting, I understood why they call work bitter money: all these workers have migrated to Huzhou from other regions, with the hope of making money. The word ‘bitter’ alludes to the discriminations that the individual has to face when he is away from his native place, the hardships and sadness a person has to face when he is away from home to earn money, working like hell all day, every day, with no personal life whatsoever. You can see the money or you cannot see it, but it is the ‘bitter’ taste of money I am interested in.1

 

« On ne peut pas décrire les films de Wang Bing, les directions multiples, aussi précises qu’infinies, qu’ils proposent à leurs spectateurs. Parmi celles que trace Argent amer, terminé en 2016 et qui est son douzième long métrage en treize ans (deux autres lui ont déjà succédé), on pourra à peine en indiquer une ou deux. Cette façon qu’a le film de passer brutalement d’une histoire à l’autre, de laisser une ambiance sonore envahir le champ, un visage faire irruption dans le cadre, des inconnus y passer le temps de quelques plans, cette circulation perpétuelle, et forcément impersonnelle malgré la douceur qui préside à chaque apparition, a elle-même deux directions. C’est une liberté et une amertume - celle du titre qui donne son goût au film. C’est une révolte : à la liberté de l’enregistrement, la folie et la beauté de l’accumulation, répond la violence du montage, pas seulement par ce qu’il retranche en coupant court, mais par tout ce qu’il garde et choisit de faire tenir ensemble, jusqu’à éclater sa propre structure, presque se rompre - comme ce sac qu’on remplit à craquer de vêtements dans la dernière scène du film. Circulation et cahots où les temps amers s’entrechoquent mais s’égalisent, cherchant à suivre le mouvement qui les entraîne, ensemble et les uns contre les autres. Le temps, c’est de l’argent : le film rattrape la vitesse du monde cravaché par l’exploitation. Et l’argent, c’est du temps : temps prélevé sur ces vies croisées, transformé en valeur, accumulé dans quelques mains. Temps volé que le cinéma, même pas lui, ne peut retrouver. Peut-être un instant sur le visage d’un enfant endormi dans un bus. »

Luc Chessel2

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UPDATED ON 09.03.2018