“The American poet Muriel Rukeyser asked, ‘What would happen if one woman told the truth about her life?’; her answer: ‘The world would split open.’ The tragic extremes of Fengming’s biography seem to demand such a cosmic response, or at least some physical manifestation or visual correlative onscreen, and yet that’s precisely what Wang denies us with his stable camera and minimal editing. Spoken in a small voice in the privacy of a woman’s cramped living room, truth is stripped of its melodramatic and heroic trappings – self-evident in its value, but uncertain in its efficacy as a catalyst of social (let alone supernatural) transformation. Above all, in the span of these three hours, we experience Fengming’s safety – her freedom from physical harm and the fear of greater loss – as if it were as epic a condition as political peril. We wonder how a life that has been propelled moment-to-moment by struggle adjusts to this sedate, solitary aftermath, on this side of a horrific century. Teacups sit on a cluttered table; a microwave is perched on a stand in the corner; a poster of the character fu – meaning good fortune – lies inconspicuously and without irony on the sofa. And light through a window may or may not signal the persistence of beauty. The unshakable power of Wang’s film lies in the tension between its fraught subject and its calm setting, in its desire to function as both a cry of pain and a sigh of relief.”
Andrew Chan1
Julien Gester: Pourquoi vous être intéressé particulièrement à cette période peu connue en Occident qu’est le mouvement « antidroitiste » ?
Wang Bing: Ce fut un moment idéologique essentiel de l’histoire de la nouvelle Chine. Ce mouvement visait à fondre toutes les Chine en une et il a changé profondément le mode de pensée des Chinois, leurs relations entre eux. La confiance a disparu, les gens sont devenus hostiles les uns aux autres, et toute liberté de parole est passée sous contrôle. Aujourd’hui, il est encore interdit d’évoquer cette période. Des intellectuels ont néanmoins ressenti, à partir des années 90, la nécessité de la repenser, d’écrire dessus. Il y a de multiples canaux d’édition qui permettent de contourner la censure en Chine. Mais le cinéma reste un secteur trop contrôlé pour que l’on voit des films évoquant cette période.
Qu’est-ce qui explique ce statut d’exception du cinéma ?
Dans la tradition d’un système socialiste, le cinéma n’est envisagé depuis toujours que comme un véhicule de la propagande et, en Chine, ce fonctionnement n’a jamais été démenti. On cristallise moins de choses sur l’écrit, et celui-ci est plus difficile à contrôler. De fait, la censure est intégrée au sein même de l’industrie du cinéma chinois, et elle y impose ses tabous, sa lecture officielle de l’histoire. Il n’y a pas de règle écrite quant à ce que l’on a le droit de raconter, mais ce flou n’est là que pour renforcer l’omnipotence de la censure.
Comment s’est construit votre documentaire sur Fengming ?
Je voulais lui laisser la plus grande liberté de récit. L’essentiel du film a été tourné en un après-midi. Fengming avait 76 ans, et c’est une femme qui ne vit que dans le passé, dans la mémoire. De fait, il me semblait juste de faire un film immobile, un film de paroles, et je ne voulais mettre en scène presque rien d’autre. Il s’agit bien de l’appréhender pour ce qu’elle est : une femme spectrale enfermée dans le passé, qui erre dans un appartement réduit à une tombe.
Julien Gester en conservation avec Wang Bing2
- 1Andrew Chan, “A Talking Picture,” Reverse Shot.
- 2Wang Bing, « Il est encore interdit d’évoquer cette période, » entretien par Julien Gester, Libération, 7 mars 2012.