La grande illusion

La grande illusion
Jean Renoir, 1937, 103’

During WWI, two French soldiers are captured and imprisoned in a German P.O.W. camp. Several escape attempts follow until they are eventually sent to a seemingly inescapable fortress.

EN

“How has La grand illusion held up over the years? It is not enough to say that it has retained its power. Not only has the stature of the film remained undiminished by the passage of time (except in a few minor details), but the innovation, the audacity, and, for want of a better word, the modernity of the direction have acquired an even greater impact. (...) What we are considering here is a faculty for invention, not simple documentary reproduction. The accuracy of detail in Renoir’s work is as much the result of imagination as of obser­vation. He does not indiscriminately record reality. Rather, he singles out the telling – but not conventional – detail. The se­quence which best illustrates Renoir’s use of detail is probably the scene of the talent show. when the recapture of Douaumont is announced. Given this brilliant idea, a clever director could not fail to produce an exciting scene. But Renoir adds the little touches to it which make the scene far more than just a standard treatment; for example, the idea of having the ‘Marseillaise’ led, not by a Frenchman, but by an English officer dressed up as a woman.

It is the multiplicity of ‘realistic inventions’ which ac­counts for the substance of La grande illusion and which explains its undiminished impact years after it was made.”

André Bazin1

 

La grande illusion is a story about human relationships. I am confident that such a question is so important today that if we don’t solve it, we will just have to say ‘goodbye’ to our beautiful world.”

Jean Renoir2

  • 1André Bazin, Jean Renoir, translated by W.W. Halsey II and William H. Simon (W.H. Allen: London & New York, 1974).
  • 2Jean Renoir in the film’s trailer on the occasion of its rerelease in 1958.

FR

 

« Ce qui m’a aidé beaucoup c’est que mon premier métier dans la vie avait été d’être officier de cavalerie. »

Jean Renoir

 

« Dans ce film, je me suis efforcé, avec Spaak, de ne montrer personne d’anormal. Nos personnages appartiennent à des catégories sociales très différentes. Nous avons un aristocrate, un homme du peuple, un juif, un instituteur, un acteur. En face d’eux, il y a des Allemands. Et les Français de ce film sont de bons Français, les Allemands de bons Allemands. Des Allemands d’avant la guerre de 39... Des Allemands d’avant une guerre où l’on s’est trop souvent misérablement conduit et où le troisième Reich a violé les règles les plus élémentaires de l’humanité. Mais La grande illusion n’est qu’une évocation de la guerre 14-18.

Il ne m’a pas été possible de prendre parti pour aucun de mes personnages. Dans ce film, il n’y a pas de traîtres. Il n’y a pas non plus de drame d’amour. Il y a une histoire d’amour, mois tellement simple que ce n’est même pas une histoire.

Tout cela sort un peu des canons habituels du cinématographe et même du spectacle dramatique.

J’espère néanmoins qu’il se trouvera à nouveau des spectateurs de bonne volonté pour accueillir avec bienveillance cette évocation de notre jeunesse. »

Jean Renoir1

 

« J’aurais voulu qu’un Allemand, après le spectacle, se dit : « Ces Français sont de braves gens. Ils mangent, boivent exactement comme nous. Comme nous, ils ont besoin d’amour, et par dessus tout d’amitié ». C’est ce que pensent des Allemands les Français qui connaissent le film. Malheureusement, les Allemands n’ont pas le droit de le voir. J’en suis profondément malheureux. Le plus pénible pour moi, c’est que la vie d’un film soit si courte. La technique évolue, le jeu des acteurs change. Ephémères comme la mode, nos films sombrent dons l’oubli, et vont rejoinder ceux qui nous ont autrefois émus. Au moment précis où elle aurait pu être bienfaisante « La Grande Illusion » est bannie du « Grand Reich ».

Par hasard, le jour où les Nazis entrèrent dans Vienne, on jouait mon film. Sans perdre un instant, la police l’interdit et on interrompit sur le champ la séance. C’est une histoire qui me remplit d’orgueil. Au risque de me foire traiter de « raseur », je saisis toutes les occasions de la raconter. Je ne peux m’en empêcher. Ce n’est pas à mes yeux une distinction d’ordre militaire, mais d’ordre moral, aussi n’aurai-je pas à la renvoyer au Fuhrer comme M.Henri Bernstein ou Duce, sa croix de St-Mourice et St-Lozore. »

Jean Renoir2

 

« La grande illusion c’est l'histoire de gens comme vous et comme moi, perdus dons cette navrante aventure qu’on appelle une guerre. La question que se pose aujourd’hui notre monde angoissé ressemble beaucoup à celle que Spaak et moi-même et beaucoup d’autres nous posions quand nous préparions ce film. C’est pourquoi La grande illusion nous a paru être redevenue d'une actualité brûlante et nous avons décidé de la ressortir. »

Jean Renoir3

 

« On peut trouver La grande illusion passablement démodée si l'on songe que ce même peuple allemand quelques années plus tard, sans sourciller, regardait passer sur les routes, des squelettes de trente kilos habillés en bagnards et dont il suffisait de dire qu'ils étaient des criminels pour apaiser la curiosité des civils. Et pourtant, il se dégage de toute l’oeuvre de Renoir, un art de vivre qui est un art du regard ; l’oeuvre de Renoir brouille les cartes et nous enseigne à ne plus rien juger, à comprendre qu'on ne peut rien comprendre. »

François Truffaut

  • 1Jean Renoir, 1937. Ce premier texte était reproduit dans le fascicule publicitaire destiné aux directeurs de salles.
  • 2D’un texte que Jean Renoir avait écrit en 1937 pour le public américain.
  • 3Jean Renoir. En 1958, Renoir, qui avait pu racheter les droits de son film, le remit en exploitation. Le succès fut encore plus grand et l'affaire meilleure que prévu. L'auteur avait réalisé pour l'occasion une nouvelle bande-annonce d'où est extrait ce texte.
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De Cinema, Antwerp