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“The Tree, the Mayor and the Médiathèque is a marvelous satirical tract, with a mordant irony that bites fairly. It is directed precisely against the socialists, the technocrats, the environmentalists, Parisianism, parochialism, wheeler-dealers, political mores, the electoral campaign, the development of the territory, and a mayor’s ambitions. Beneath its outward appearance as an amateur film and its acknowledged lightness of tone, this is perhaps one of Rohmer’s most ambitious films, the only one in which his involvement in his time is expressed.”
Antoine de Baecque
Cahiers du cinéma: In The Tree, the Mayor and the Mediatheque, your actors speak “naturally” about politics or philosophy. How can you hold together these things which seem so contradictory: the naturalness of the acting with the stilted soundbites of politicians or the abstractions of philosophical principles?
Eric Rohmer: It’s not the content that matters here, it’s the way of saying it, the gestures if you like. Whether someone is talking about politics, philosophy, or love, the first thing I look for is authentic gestures. I don’t like actors using deliberate gestures, that simplify expressions in contrast to life’s richness, on the other hand I study unconscious, natural gestures very carefully, such as scratching your back while talking about philosophy, or crossing or uncrossing your legs, or any other example. You’ll have noticed that all my actors, whether it’s Arielle Dombasle or Fabrice Luchini, move well and have a natural sense of gesture. I don’t like gestures that act like a language that comes from actors who overdominate their bodies, but I like gestures that escape conscious control and thus, quite simply, lead us to the truth about a person. Bresson tried to fight this gestural language through a hierarchy and the non-gesture; I try to fight against it through the overuse of gesture, the disturbing or unconscious gestures that arise spontaneously. Unlike most directors, I never tell my actors what gestures to perform, but I try to capture their own gestures and record them almost without them realizing, against their will. If an actor becomes aware of their gestures, we have to abandon everything. I prefer it when an actor is so taken with their text that they have spontaneous gestures. Physically they are very interesting gestures, as well. When I’m choosing actors, I talk with them and see how they move their hands. And that’s why I prefer filming in a 1/33 ratio, the format of my last film, with a 16mm camera with an almost square frame, because that allows me to show off an actor’s gestures more effectively.
Eric Rohmer in conversation with Antoine de Baecque and Thierry Jousse
FR
Noël Herpe et Philippe Fauvel: Dans le film, vous renvoyez dos à dos l’instituteur écologiste et réactionaire, l’homme de gauche bien-pensant... Vous ne prenez pas vraiment parti.
Eric Rohmer: Je ne peux pas prendre parti. Je ne sais pas si on peut généraliser. C’est très compliqué de parler d’architecture. La théorie du député correspond à quelque chose de concret, la théorie de l’instituteur a du bon également ! Elle est présenté de façon très exagérée, mais il faut parfois secouer un peu les gens... Quand un auteur fait un film politique, il veut exprimer son opinion personnelle. Moi, je pose des questions que je n’ai pas résolues, et sans savoir comment elles sont résolues.
Eric Rohmer en conversation avec Noël Herpe et Philippe Fauvel
Claude-Marie Trémois : Quelle différence faites-vous entre un architecte et un cinéaste ?
Eric Rohmer : Le cinéaste prend le monde tel qu’il est ; l’architecte le modifie. Sa responsabilité est effrayante, car il ne peut pas construire sans détruire. Ou bien il construit à la campagne, et il commet une agression contre la nature. Ou bien il construit dans un tissu déjà existant, et doit donc en détruire un fragment pour le remplacer par un autre. On peut évidement objecter que le fragment détruit méritait de l’être. C’est ainsi qu’au XVIIe siècle on remplaça certains édifices du Moyen Age par des neufs qui, cent an plus tard, furent à leur tour abattus par Haussmann. Mais, à présent, on s’aperçoit qu’un patrimoine que l’on croyait sans intérêt méritait d’être gardé : il s’en est fallu de peu que Le Corbusier ne fit raser ce qui est devenu aujourd’hui le musée d’Orsay. A propos de la destruction d’une tour médiévale à côté des Arts et Métiers, Victor Hugo a écrit : « Il ne faut pas démolir la tour, mais l’architecte. »
C’est à peu près ce que dit l’instituteur dans L’Arbre, le maire et la médiathèque. Il voudrait rétablir la peine de mort uniquement contre les architectes.
C’est peut-être leur faire beaucoup d’honneur... Mais c’est vrai qu’on a tort d’attribuer aux promoteurs et aux hommes politiques la responsabilité d’une certaine architecture mégalomane, totalitaire. Les vrais responsables, ce sont les Le Corbusier, Gropius, Mies Van Der Rohe... Ils ont un pouvoir qui peut être dirigé vers le bien ou vers le mal. Ce sont les seuls artistes à le posséder. Un peintre n’a pas besoin de détruire les oeuvres de ses prédécesseurs pour faire son tableau. Un réalisateur ne met pas le feu à la Cinémathèque pour réaliser son film. Le cinéaste travaille dans l’imaginaire ; l’architecte, dans la réalité.
Eric Rohmer en conversation avec Claude-Marie Trémois