Chantal Akerman
Traverser les terres du cinéma
« [La façon] dont j’aimerais filmer […] répond à l’idée que la terre possédée implique toujours le sang et la barbarie, tandis que la terre traversée sans être accaparée fait penser à un livre. »
- Chantal Akerman
Chantal Akerman (1950-2015) est une cinéaste, scénariste, productrice, artiste et écrivaine belge majeure dont la carrière s’étend sur quatre décennies. Akerman découvre le cinéma avec Pierrot le fou (1965) de Jean-Luc Godard, film qui l’incite à s’inscrire à l’INSAS, l’école de cinéma bruxelloise. Elle interrompt cependant ses études prématurément pour poursuivre sa propre approche du cinéma et débute en 1968 avec Saute ma ville, film dans lequel, alors âgée de 18 ans, elle s’enferme dans son appartement et exécute ses tâches ménagères de manière absurde, presque maniaque. Après avoir quitté l’INSAS, Akerman s’installe à New York, où elle rencontre le cinéma expérimental américain de Jonas Mekas, Michael Snow et Andy Warhol. Leur travail aura une influence stylistique majeure sur son travail cinématographique. À New York, elle réalise notamment La chambre (1972) et Hôtel Monterey (1973).
De retour en Belgique, Akerman réalise Je, tu, il, elle (1974), puis son film le plus célèbre, Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975), classé meilleur film de tous les temps par le classement décennal Sight and Sound en 2022. Jeanne Dielman documente trois jours de la vie d’une veuve, interprétée par l’actrice française emblématique Delphine Seyrig. Pendant plus de trois heures, la caméra la suit méticuleusement alors qu’elle nettoie son appartement, épluche les pommes de terre, prépare le souper, nettoie les chaussures de son fils, fait des courses et se prostitue tous les après-midis. Les rituels répétitifs de sa routine quotidienne et les longs plans statiques créent simultanément un sentiment d’intimité et d’inconfort, faisant du spectateur un participant actif de l’histoire qui se déroule lentement. Ces études de drames et de scènes domestiques et relationnelles reviennent souvent dans l’œuvre d’Akerman.
Akerman réalise au total plus de 40 films, dont Les rendez-vous d’Anna (1978), Toute une nuit (1982), La captive (2000), La folie Almayer (2011) et la trilogie documentaire D’Est (1993), Sud (1999) et De l’autre côté (2002). L’œuvre d’Akerman se caractérise par une grande liberté de création, passant sans difficulté d’un genre à l’autre : du cinéma expérimental au cinéma classique, de la fiction au documentaire, de la comédie musicale à l’adaptation littéraire. Avec Golden Eighties (1986), par exemple, Akerman s’essaie à la comédie musicale tragi-comique, avec pour toile de fond la Galerie de la Toison d’Or à Bruxelles.
Outre sa filmographie, son œuvre se déploie également dans le domaine de l’installation et de l’écriture. En 1995, elle crée une vaste installation spatiale sur 25 moniteurs, basée sur le film D’Est réalisé à l’origine comme un documentaire. Elle reconfigurera en installations d’autres de ses œuvres documentaires et fictionnelles, telles que Sud (1999), De l’autre côté (2002), Là-bas (2006), Tombée de nuit sur Shanghai (2009) et La chambre (2012). L’œuvre écrite d'Akerman est également très saluée. Son œuvre la plus célèbre, Ma mère rit (2013), est un recueil de réflexions autobiographiques écrites par Akerman alors qu’elle s’occupait de sa mère mourante.
Ce recueil offre une vue d’ensemble des textes disponibles en français sur Sabzian à propos de l’œuvre de Chantal Akerman, ainsi qu’une filmographie multilingue complète et annotée.1 2
- 1L’image provient de Collections CINEMATEK / Fondation Chantal Akerman © Micheline Pelletier / Gamma
- 2En collaboration avec la Fondation Chantal Akerman