Une révélation dans le cinéma égyptien

La momie de Chadi Abdel Salam

La momie (encore intitulé :  La nuit où l’on compta les années), du metteur en scène Chadi Abdel Salam, est assurément l’un des tout meilleurs films qu’ait produits le cinéma égyptien. Découvert, un peu par hasard, par le festival d’Hyères, en France, il a ensuite été projeté au festival de Venise 1970 dans le cadre d’une « table ronde » consacrée aux cinémas arabes, puis aux IIIe Journées Cinématographiques de Carthage en octobre dernier, où il a reçu le prix de la Critique internationale.

Ainsi que l’auteur l’explique dans l’interview qui suit, le scénario de La momie est tiré d’un fait divers authentique : en 1881, au Caire, l’égyptologue français Gaston Maspéro et ses adjoints découvrent que des objets funéraires d’une très grande valeur appartenant aux momies de pharaons célèbres (tels que Ramsès Il, etc.) circulent dans des marchés clandestins et illégaux. C’est donc que quelqu’un connaît l’endroit où gisent ces précieuses momies que les services du département « Antiquités » recherchent en vain depuis des années ! L’enquête détermine que l’origine du trafic se situe vraisemblablement au village d’une tribu qui a la réputation d’être particulièrement farouche et repliée sur elle-même. Un archéologue est dépêché par bateau à l’endroit où le Nil côtoie la montagne de la tribu. Une petite escorte de soldats le rejoint également à cheval. Les investigations commencent. Sans succès. Parallèlement, un débat que l’on pourrait qualifier d’ « idéologique » s’instaure au sein de la tribu à la faveur du décès de son chef, le vieux Selim. Les deux fils de ce patriarche sont mis au courant par les Sages du secret ancestral : la tribu connaît depuis 1.300 ans la cachette de plusieurs momies de pharaons qu’elle pille en période de disette ... Les deux « héritiers » sent effarés par cette révélation et l’audace blasphématoire de leurs pères. L’un se révolte et menace de parler : il est assassiné aussi­ tôt. Le second, au terme d’un douloureux drame de conscience, se rend chez l’archéologue et lui dévoile tout. Nuitamment, les sarcophages sont alors transportés sur le bateau par les soldats sans que la tribu ait eu le temps ou la volonté de réagir par la force.

Sur cette trame quelque peu policière, c’est en fait à une profonde réflexion sur le sens et le destin de l’héritage de la culture nationale – ce trésor populaire – que se livre Chadi Abdel Salam. La momie est un film qui doit être médité à plusieurs niveaux. Son style, très dépouillé, presque hiératique, se distingue fondamentalement de celui de tout un cinéma égyptien gesticulatoire et mélodramatique. Il faut souhaiter qu’en dépit de l’hostilité des bureaucrates qu’il stigmatise ci-après, Chadi Abdel Salam puisse poursuivre par d’autres films son œuvre prometteuse et parvenir à la renommée qu’il aurait déjà s’il était né sous d’autres cieux.

(1) Al-mummia [The Mummy] (Shadi Abdel Salam, 1969)

Guy Hennebelle :  Chadi Abdel Salam, qui êtes-vous ?

Chadi Abdel Salam   De formation, je suis architecte : j’ai fréquenté l’École des Beaux-Arts du Caire. Mais j’ai aussi suivi des cours d’art dramatique dans plusieurs instituts britanniques. Installé alors à Londres (je parle d’ailleurs l’anglais mieux que l’arabe), je suis rentré en Égypte pour effectuer mon service militaire. Par la suite, je me suis lancé dans le cinéma, mais par la décoration. J’ai notamment collaboré avec le réalisateur polonais Kawalerowicz (Mère Jeanne des Anges) qui tournait chez nous son Pharaon. J’ai été conseiller pour les costumes et les décors. J’ai également enregistré moi-même quelques scènes que Kawalerowicz n’avait pas pu filmer en personne à cause de la guerre des six jours. C’est en mars 1968 que j’ai commencé le tournage de La momie : j’ai dû m’arrêter plusieurs fois à cause des ennuis que me causaient à dessein certains bureaucrates qui sont la plaie de notre cinéma ...

Que vous reprochait-on au juste ?

Personne n’était convaincu de la valeur de mon sujet. Je dois préciser que c’est grâce à Roberto Rossellini que j’ai pu tourner La momie. J’avais collaboré avec lui et, par sympathie pour moi autant que par intérêt pour le thème, il a accepté de présenter mon projet à notre ministre de la Culture qui, compte tenu de cette recommandation, l’a accepté et a ordonné qu’on le produise. Contraints de mettre en œuvre le tournage d’un film qu'ils n’aimaient pas, les bureaucrates ont tout fait, à divers échelons, pour le saboter. Néanmoins, j’ai terminé La momie en octobre 1969. Persuadés que le film ne marcherait pas, les responsables n’en ont fait tirer qu’une seule copie et, à ce jour (août 1970), il n’est toujours pas diffusé en Égypte. C’est essentiellement à l’étranger (aux festivals d’Hyères, de Venise, de Locarno et de Carthage) que La momie a été pris en considération.

De quel budget avez-vous disposé ?

D’environ 70.000 livres égyptiennes. Sans les ennuis artificiels qui m’ont été causés, le film n’aurait pas coûté plus de 50.000 livres.

La momie est votre tout premier film ?

Oui. C’est seulement après La momie que j’ai tourné Le paysan éloquent, un court métrage qui a trait également à l’époque pharaonique. Toutefois, je n’étais pas à proprement parler un néophyte car j’avais derrière moi dix années d’expérience dans le domaine du cinéma.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières pour la mise en scène ?

Pour la mise en scène, non. Par contre, j’ai eu des problèmes avec plusieurs acteurs inexpérimentés. Chez nous, les acteurs ont généralement une formation théâtrale qui les porte à jouer avec exagération. J’ai eu du mal à leur imposer une certaine sobriété.

L’histoire que vous racontez dans La momie est-elle très connue en Égypte ? Ou bien l’avez-vous trouvée à la faveur d’une lecture ?

C’est une histoire authentique que j’ai lue voici quinze ans maintenant. C’est un récit de Gaston Maspéro, l’éminent égyptologue français qui a passé trente ans en Égypte. Je me suis inspiré aussi des sources suivantes : A History of Egypt de Breasted, Land of Pharaohs de Gardiner, et Vie et mort d’un pharaon de Mme de Noblecourt. J’ai tout de suite beaucoup aimé cette histoire quand je l’ai lue. Le destin de ces momies de pharaons qui avaient survécu à un pillage voici 3.000 ans grâce à la piété de prêtres dévots puis au mercantilisme d’une tribu analphabète m’avait subjugué. J’ai considéré que cette tragédie ressemblait beaucoup à celle que vit, à certains égards, l’Égypte d'aujourd’hui. Nous possédons une vieille culture nationale, mais elle gît enfouie au fond de la mémoire du peuple, qui n’en mesure pas toujours toute la valeur et qui l’a aussi quelque peu abîmée. C’est l’ambiguïté des relations entre la tribu et son trésor, entre le peuple égyptien et sa culture, qui m’a passionné. Gaston. Maspéro rapporte que les femmes de la tribu ont pleuré quand elles ont vu les archéologues emporter sur le Nil les précieux sarcophages. Peut-être regrettaient-elles la disparition de « la poule aux œufs d’or », mais il n’est pas exclu qu’elles pressentaient aussi, même confusément, qu’elles assistaient à un événement exceptionnel.

Avez-vous respecté scrupuleusement l’histoire telle que la raconte Maspéro ?

Oui. A cette exception près, toutefois, que dans le livre on rapportait que Wannis, le jeune « délateur » qui avait « vendu la mèche » aux archéologues, avait perçu une récompense de 500 livres du département des Antiquités : j’ai passé, dans le film, ce détail sous silence car Il aurait donné au geste du jeune homme une dimension vulgaire.

Sait-on ce qu’est devenu ce jeune homme par la suite ?

Non. Il a disparu. Au Caire, probablement. Il ne pouvait vraisemblablement plus vivre avec les siens après ce qu’il avait fait. Je suis fasciné par ce personnage : il a donné à la civilisation un véritable trésor, il n’en connaissait pas exactement la valeur mais il avait deviné que ce patrimoine ne pouvait plus être dilapidé comme il l’avait été par le passé. Ce qui me plaît en lui, c’est qu’il a eu le courage de rompre avec la tradition de ses pères quand il s’est aperçu qu’elle comportait des éléments rétrogrades.

C’est un ami, semble-t-il, qui lui fait pressentir la vérité, qui lui parle le premier de la valeur possible des sarcophages sur le plan intellectuel …

Oui, c’est un jeune homme du village voisin. C’est lui qui, parce qu’il est étranger précisément, lui fait voir les choses d’un œil différent. Jus­ qu’alors, le fils de Selim avait toujours considéré les pierres au milieu desquelles Il avait grandi comme de grands cailloux ! Voilà qu’on lui fait entrevoir qu’elles sont peut-être autre chose aussi. Pour les spectateurs, il devient alors évident, je crois, que les sarcophages qu’on lui a montrés le matin même (à l’occasion de l’enterrement de son père) contiennent les momies de ses ancêtres.

Votre film est donc avant tout une réflexion sur Je destin d’une culture nationale ?

Bien entendu. La trame policière de l’histoire ne m’a servi que de prétexte. Par ailleurs, La momie est un film que j’ai senti, et donc construit, à plusieurs niveaux.

C’est à dessein sans doute que vous entretenez une certaine ambiguïté sur le rôle de la tribu. D’un côté, c’est une bande de pillards qui violent les sépultures mais d’un autre côté c’est un groupe de gens qui sont les dépositaires (ignorants) d’un patrimoine précieux. D’ailleurs, vous êtes également ambigus au sujet des « Effendis », les archéologues. D’une part, ils possèdent la science et la culture, d’autre part, bien qu'ils soient, Égyptiens, ce sont tout de même, aux yeux de la tribu, c’est-à-dire du peuple, des étrangers coupés des réalités nationales.

Exactement. Tout cela est voulu. Je ne me pose en procureur de la tribu qui, après tout, vit comme elle le peut. Mais je ne suis pas non plus l’adversaire des « Effendis » venus du Caire (sur un bateau frappé du drapeau ottoman : nous sommes en 1881), car ils représentent la science, et la seule solution, quand on s’est laissé distancer sur ce plan, c’est d’essayer de rattraper son retard. Bien entendu, l’archéologie n’est ici qu’un symbole. Vous pouvez le remplacer en esprit par autre chose. La bombe atomique ou toute autre invention moderne ... Cette culture nouvelle qui vient est toujours « étrangère » (fût-elle « nationale »). Ces « Effendis » amènent des habitudes nouvelles, inconnues. Le nouveau choque toujours un certain temps, suscite parfois même une réaction. Moi, je suis plutôt du côté de l’évolution, du nouveau, du moderne. Les voleurs, cependant, ont aussi ma sympathie. Ce sont des voleurs, certes, mais telle était leur vie. Ils ne l’avaient pas choisie. Celui qui souffre, c’est le jeune, car il est tiraillé entre sa fidélité aux siens et sa prise de conscience que leur mentalité est dépassée par le cours des choses. Les Anciens ne souffrent pas, les « Effendis ») ne souffrent pas. Seul souffre celui qui est pris entre les deux.

(2) Al-mummia [The Mummy] (Shadi Abdel Salam, 1969)

Comment expliquez-vous la prise de conscience de ce jeune ?

Quand Selim, son père, avait eu, dans sa jeunesse, la révélation de l’existence de la cache, les archéologues n’existaient pas ou n’étaient pas encore venus : donc, il n’y avait pas pour lui de problème. Le fils de Selim se trouve en présence d’une situation inédite. Il sent que quelque chose est faux dans tout ça. Souvenez-vous de la scène au cours de laquelle il se rend pour la première fois avec son frère à la cache : c’est de nuit, et par des chemins détournés. Ils ne sont pas à l’aise, ils ont un peu honte d’avoir ainsi à se dissimuler. Par un certain côté, mon film est aussi une fable sur les « parents perdus » : l’archéologue, qui lui aussi est égyptien, cherche, en un sens, son passé national. Tout comme Wannis, le fils de Selim. Chacun cherche avec des moyens différents, car chacun possède une culture différente.

La momie illustre aussi la coupure sociale et culturelle entre deux classes d’un même peuple. La tribu analphabète détient le trésor de la culture populaire. L’intelligentsia détient la science moderne. La fusion des deux éléments est nécessaire. Êtes-vous d’accord ?

Oui, c’est encore une interprétation possible de mon film qui en comporte plusieurs autres.

Néanmoins ces deux classes se retrouvent au diapason de certaines valeurs. On le voit à la manière dont Wannis demande à être reçu par l'archéologue. Il insiste pour qu’on reconnaisse sa qualité de « fils de Selim ».

Absolument. J’ai essayé de suggérer cette connivence par le biais du langage d’ailleurs. Le réalisme aurait voulu que Wannis s’exprime avec un vocabulaire différent de celui des « Effendis » cultivés de la ville. J’ai préféré les faire parler tous les deux de la même manière pour ne pas souligner inutilement la coupure qui existe entre eux du fait de la différence de leur condition sociale. Car l’Égypte est composée des uns et des autres.

Pour respecter la réalité, vous auriez dû, je suppose, faire parler les uns dans un arabe dialectal et les autres dans un arabe plus littéraire ?

Oui, mais j’ai fait exprès de gommer cette différence. Jusque dans le maquillage. Ils ont tous la même couleur de peau, alors que les paysans de Haute-Égypte ont une peau davantage brûlée par le soleil. Je voulais suggérer qu’en fait Wannis et l’archéologue étaient deux frères. Rappelez-vous que l’archéologue survient peu après la mort du véritable frère de Wannis qui a été assassiné. C’est à l'endroit même où il a été tué dans le Nil que s’arrête le bateau de l’archéologue : Wannis a perdu un frère, mais il lui en arrive un autre du Caire. On doit sentir dans le film que ces deux personnages ne sont pas en fait des ennemis, mais deux jeunes hommes qui cherchent le même idéal. Si Wannis se rend chez l’archéologue, c’est qu’il sent que c’est en fait son seul ami véritable (bien qu’ils n’aient jamais parlé ensemble). J’espère qu’un jour tous les Égyptiens possèderont la même culture. Nous avons trop longtemps souffert de l'existence de deux catégories d'Égyptiens. C’est moins vrai maintenant, et un jour cela ne le sera plus du tout.

C'est la première fois que l’on cherche dans un film à montrer le lien entre la civilisation pharaonique et la civilisation arabe.

L’Égypte a été influencée par les deux. C’est une réalité historique.

Les « Effendis » se conduisent apparemment comme des ethnologues devant des « primitifs» : ils ne manifestent de l’intérêt que pour le patrimoine culturel de la tribu mais se désintéressent totalement de son sort.

Qui, il y a de ça dans l’attitude des archéologues. Pour eux, la civilisation en elle-même est plus importante que les gens issus de cette civilisation. C’est une tragédie. Mais c’est aussi une vérité historique : le progrès fait toujours des sacrifiés.

La forme lente, épurée, hiératique de votre film tranche considérablement avec le style de la majeure partie du cinéma égyptien ...

Je ne voulais pas m’en tenir au récit pur et simple de cette découverte qui, encore une fois, n’était pour moi qu’un prétexte. Je voulais tisser une toile de sentiments autour de cette histoire. Je crois qu’il y a autant de différence entre mon film tel qu’il est réalisé et un film réaliste sur le même sujet qu’entre un poème et un simple récit. Je me situe très loin du cinéma-vérité. A l’opposé même. Mon film s’inspire un peu du style des ballades orientales. La lenteur était pour moi un moyen d’obtenir un rythme hypnotique. Car, au fond, mon film se résume à l’histoire d’un jeune homme qui pense, regarde les choses et souffre de la contemplation de la réalité alentour. Le héros ne se livre à aucune action (sauf quand il se rend chez Mourad le trafiquant). Je tenais beaucoup à souligner la qualité de l’atmosphère, car la vie en Haute-Égypte est un peu lente comme ça. Il fait chaud, les gens font peu de gestes, ils sont stricts, ils ne rient pas. Hurler ou pleurer est considéré comme mal élevé. Ce sont des gens assez intro­vertis. Je voulais montrer à la fois l’Égypte du passé et l'Égypte du présent et c’est cette forme qui est « sortie » : je ne sais pas comment...

Avez-vous beaucoup improvisé ?

Non pas du tout. Tout était prévu dans mon découpage qui était très précis.

Comment avez-vous conçu la musique ?

Elle avait d’abord été composée en Égypte, mais je n’en étais pas content du tout. L’auteur avait fait quelque chose qui rappelait Docteur Jivago. J’ai tout enlevé ! J’étais perdu, ne savais à quel saint me vouer ! C’est alors que l’italien Mario Nascimbene a vu le film et a accepté d’en écrire la musique. J’en suis très satisfait. Il y a à la fin un thème arabe que j’ai ajouté moi-même. Je crois qu’un film du genre de La momie ne supporte pas la mélodie, à cause notamment de sa lenteur. Il était plus intéressant de choisir une musique concrète. Ce qui me plaît dans la musique de La momie, c’est qu’elle est à la fois moderne et intemporelle. C’est un peu la même chose pour la langue arabe que j’ai choisie : je voulais obtenir un film neutre, qui ne fût pas trop marqué historiquement. En effet, notre problème, aujourd’hui en Égypte, est de retrouver tout ce que nous avons perdu au cours de l’occupation ottomane puis de la domination britannique. Nous devons retrouver notre ancien langage, notre culture. Pour accéder à la modernité, il faut savoir s’arrêter, construire une base solide de manière à intégrer harmonieusement le nouveau. Nous ne pouvons pas copier éternellement l’Europe.

S’il est rare que le cinéma égyptien s’inspire de l’époque pharaonique, la peinture égyptienne par contre semble plus attachée à cette époque.

Il y a effectivement une tendance au pharaonisme chez certains de nos peintres, mais je crois que leur attitude est un peu fausse. Ils veulent imiter le passé. C’est un autre danger, une autre erreur. Le passé, c’est le passé ; il ne faut pas s’y enfermer. Sinon on fait de la fabrication pour touristes.

Que pensez-vous du cinéma égyptien ?

Je n’aime pas beaucoup le cinéma égyptien ! Nous avons quelques bons metteurs en scène, mais nous manquons terriblement d’auteurs, au sens plein de ce terme. Le cinéma égyptien verse dans deux travers : ou bien on fait des films démodés, imités des films américains, des westerns habillés à l’égyptienne en somme, ou bien on tourne des films avec des yeux d’étrangers, des yeux d’Occidentaux. Personne n’entreprend de réaliser quelque chose de véritablement égyptien.

Pourquoi ne compte-t-on que si peu de bons films dans l’importante production égyptienne ?

La faute en incombe aux distributeurs qui financent des films de commande pour lesquels le réalisateur est obligé de prendre tel chanteur, etc.

Mais c’est un peu le cas dans tous les pays. Or les Brésiliens par exemple ont réussi à lancer quand même leur cinéma nõvo ...

Certains jeunes essaient de lancer une initiative analogue, mais c’est difficile. Les producteurs sont vieux et encroûtés. Il faudrait une nouvelle génération.

Ne pensez-vous pas que les créateurs sont un peu responsables aussi ?

Il y a chez nous deux types de jeunes cinéastes. D’un côté, il y a ceux qui voudraient faire autre chose mais qui se disent : commençons par faire des films traditionnels, devenons célèbres et ensuite nous ferons ce que nous voudrons (raisonnement faux, car ils deviennent vite des marchands comme leurs aînés) ; d’un autre côté, on trouve ceux qui veulent faire d’entrée autre chose mais qu’on n’aide pas du tout et qui finissent par se lasser.

La photo de votre film est extrêmement soignée ...

Oui, j’avais un excellent directeur de la photo : Abdel Aziz Fahmy. Pour obtenir une certaine qualité de luminosité que je connais et aime bien, je ne filmais certains plans que durant vingt minutes par jour, juste après le coucher du soleil. Au rythme d’un plan par jour pendant vingt-huit jours ! Avant de filmer chaque monument, je repérais l’heure qui lui était la plus favorable du point de vue de la luminosité et l’indiquais à mon opérateur.

Quand aviez-vous écrit votre scénario ?

Voici quatre ans déjà. Le cinéma est quelque chose de très lent. Cela me gêne, car aujourd’hui je ne pense plus tout à fait de la même manière et j’estime qu’il y aurait lieu de parler d’autres choses aussi. Mais les bureaucrates, j’y reviens, font un tort considérable à notre cinéma.

Vous avez des projets ?

Oui. Akhnaton, l’histoire d’un autre pharaon célèbre. Mais personne ne veut le produire. A part quelques critiques, tout le monde pensa, en Égypte, que La momie ne vaut rien, parce que ce n’est pas un film commercial ... J’espère néanmoins que j’aurai prochainement une seconde chance.

(3) Al-mummia [The Mummy] (Shadi Abdel Salam, 1969)

Ce texte a été originellement publié dans L’Afrique litteraire et artistique, no. 14 (December 1970).

Un grand merci à Monique Martineau-Hennebelle

 

Milestones: Al-mummia aura lieu le jeudi 21 janvier 2021 à 19h30 sur Sabzian. Plus d’informations au sujet de la projection ici.

CONVERSATION
20.01.2021
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In Passage, Sabzian invites film critics, authors, filmmakers and spectators to send a text or fragment on cinema that left a lasting impression.
Pour Passage, Sabzian demande à des critiques de cinéma, auteurs, cinéastes et spectateurs un texte ou un fragment qui les a marqués.
In Passage vraagt Sabzian filmcritici, auteurs, filmmakers en toeschouwers naar een tekst of een fragment dat ooit een blijvende indruk op hen achterliet.
The Prisma section is a series of short reflections on cinema. A Prisma always has the same length – exactly 2000 characters – and is accompanied by one image. It is a short-distance exercise, a miniature text in which one detail or element is refracted into the spectrum of a larger idea or observation.
La rubrique Prisma est une série de courtes réflexions sur le cinéma. Tous les Prisma ont la même longueur – exactement 2000 caractères – et sont accompagnés d'une seule image. Exercices à courte distance, les Prisma consistent en un texte miniature dans lequel un détail ou élément se détache du spectre d'une penséée ou observation plus large.
De Prisma-rubriek is een reeks korte reflecties over cinema. Een Prisma heeft altijd dezelfde lengte – precies 2000 tekens – en wordt begeleid door één beeld. Een Prisma is een oefening op de korte afstand, een miniatuurtekst waarin één detail of element in het spectrum van een grotere gedachte of observatie breekt.
Jacques Tati once said, “I want the film to start the moment you leave the cinema.” A film fixes itself in your movements and your way of looking at things. After a Chaplin film, you catch yourself doing clumsy jumps, after a Rohmer it’s always summer, and the ghost of Akerman undeniably haunts the kitchen. In this feature, a Sabzian editor takes a film outside and discovers cross-connections between cinema and life.
Jacques Tati once said, “I want the film to start the moment you leave the cinema.” A film fixes itself in your movements and your way of looking at things. After a Chaplin film, you catch yourself doing clumsy jumps, after a Rohmer it’s always summer, and the ghost of Akerman undeniably haunts the kitchen. In this feature, a Sabzian editor takes a film outside and discovers cross-connections between cinema and life.
Jacques Tati zei ooit: “Ik wil dat de film begint op het moment dat je de cinemazaal verlaat.” Een film zet zich vast in je bewegingen en je manier van kijken. Na een film van Chaplin betrap je jezelf op klungelige sprongen, na een Rohmer is het altijd zomer en de geest van Chantal Akerman waart onomstotelijk rond in de keuken. In deze rubriek neemt een Sabzian-redactielid een film mee naar buiten en ontwaart kruisverbindingen tussen cinema en leven.