A Russian town where people are waiting at a bus stop. We get to know some of them from fragments of their conversations.
EN
“To speak generally, we are influenced without really knowing by whom or by what. I recently watched Chantal Akerman’s D’Est again, and it reminded me that I’d first come across it in 1993 in Moscow. Rewatching it, I understood that many of my films stemmed from this first screening which I’d nonetheless forgotten. Three or four of them were born, completely unconsciously, from my discovery of D’Est in 1993 – Paysage undoubtedly being the work which owes the most to it, with this camera that pans over faces, over the crowd, over weary human figures.”
Sergei Loznitsa1
- 1Sergei Loznitsa, “A Lesson in Cinema,” Sabzian, 11 December 2024.
NL
“Over het algemeen worden we beïnvloed zonder precies te weten waardoor. Toen ik onlangs Chantal Akermans D’Est zag, herinnerde ik me dat ik de film al in 1993 in Moskou had ontdekt. Die tweede keer deed me beseffen dat veel van mijn films voortkomen uit die eerste vertoning, ook al was ik ze vergeten. Drie of vier ervan zijn geheel onbewust ontstaan uit de ontdekking van D’Est in 1993. Peyzazh [Landscape] heeft ongetwijfeld het meest aan de film te danken: die camera die over gezichten trekt, over mensenmassa’s, over vermoeide menselijke figuren.”
Sergei Loznitsa1
- 1Sergei Loznitsa, “Een cinemales,” Sabzian, 11 december 2024.
FR
« D’une manière générale, on est influencé, mais on ne sait pas exactement par qui et par quoi. J’ai revu dernièrement D’Est de Chantal Akerman, et cela m’a rappelé que je l’avais découvert en 1993 à Moscou. J’ai compris, à cette seconde vision, qu’une bonne partie de mes films découlait de cette première vision que j’avais pourtant oubliée. Trois ou quatre d’entre eux sont nés, en toute inconscience, de ma découverte de D’Est en 1993 ; Paysage étant celui qui lui doit sans doute le plus, avec cette caméra qui passe sur les visages, sur la foule, sur les figures humaines fatiguées. »
Sergei Loznitsa1
Sergei Loznitsa : Dans mon dernier film Paysage, il était très difficile de traduire les sous-titres parce qu’il fallait, à travers ceux-ci, traduire le sens profond des mots. Tout joue. Et notamment l’intonation et les accents, leurs connotations. Car c’est tout cela qui véhicule le sens du film. Il fallait également faire ressortir tout ce qui n’avait pas été utilisé. Il s’agit de fragments de phrases. Il aurait fallu rédiger des notes pour chaque sous-titre, pour pouvoir rendre compte de chaque conversation. Or il est impossible d’annoter des paroles poétiques par des commentaires prosaïques.
Serge Meurant : Les conversations ont-elles été enregistrées au moment du tournage ou à d’autres moments ? De manière synchrone ou non ? La bande sonore de Paysage est-elle conçue comme une partition musicale ?
Oui, c’est exactement cela. J’ai conçu la bande sonore comme une partition. Il y avait quatorze heures d’enregistrements réalisés au même endroit mais à d’autres moments. Pas au moment de la prise de vue. Ensuite, le réalisateur du son et moi, nous avons classifié le texte selon l’expressivité des voix. C’était un travail très difficile. Nous avons construit, avec cette matière sonore, un soubassement général. Ensuite, nous avons monté les détails. Nous avons conçu le texte comme une sinusoïde, avec des variations correspondant aux images. J’ai tenté d’exprimer le spectre des voix le plus large. Des voix les plus brutales aux voix les plus douces. Et j’ai construit cela de telle sorte que l’histoire ne se termine pas et qu’elle tombe comme cela de façon brutale.
Sergei Loznitsa en conversation avec Serge Meurant2
- 1Sergei Loznitsa, “Une leçon de cinema,” Sabzian, 11 décembre 2024. Publié à l’origine dans Images Documentaires 88/89, juillet 2017.
- 2Serge Meurant, “Entretien avec Sergueï Loznitsa,” Sabzian, 4 décembre 2024. Publié à l’origine dans Images Documentaires 50/51 en 2004.