Témoins accidentels

Entretien avec Sergueï Loznitsa

Serge Meurant : Pouvez-vous nous parler de ce qui, dès l’enfance peut-être, puis au cours des années qui précèdent votre entrée à l’école de cinéma, en 1991, a nourri votre désir de réaliser des films ?

Sergueï Loznitsa : Pendant mon enfance, j’ai beaucoup pratiqué la photographie. Mes parents sont des mathématiciens. Ils construisent des avions. Ils m’ont dirigé vers des études techniques. Ce qui m’intéressait. J’ai terminé mes études supérieures dans les domaines de la cybernétique et de l’intelligence artificielle.

J’ai lu beaucoup de textes philosophiques, de livres sur l’art également. Dans mon enfance, j’avais un livre préféré qui portait comme titre : « L’Art ». Il était arrivé par hasard dans notre bibliothèque car mes parents possédaient surtout des livres specialisés. Il comportait de nombreuses reproductions de tableaux de différents musées. Il y avait aussi quatre livres de moindre importance que j’aimais lire, avec des illustrations d’un peintre danois.

Je me souviens d’une image où des gens sont assis sur un banc. C’est l’automne. Les feuilles tombent. Il commence à neiger. Lorsque ensuite j’ai réalisé mon film L’attente, je me suis inspiré de cette illustration.

Mais ce film est né de tout autre chose encore. Lorsque j’étais enfant, nous allions rendre visite à ma grand-mère. Nous voyagions en train de nuit et nous étions obligés de changer de train en pleine nuit. Il y avait une salle d’attente réservée aux mères et à leurs enfants. C’était une très grande pièce avec beaucoup de lits. Elle était éclairée par une unique lampe située, à l’extérieur, derrière la fenêtre. Nous arrivions très tard. Tout le monde dormait déjà. Et nous repartions alors que personne n’était encore éveillé. Nous sortions à tâtons car le jour n’était pas encore levé. Nous étions alors dans un état entre veille et sommeil. Nous avions encore envie de dormir. Nous trébuchions presque. Nous nous sentions vivre dans une autre réalité. Il y avait un abîme entre ces deux états. Le souvenir de cette atmosphère de la salle d’attente des mères et des enfants m’est revenu lorsque je réalisai ce film.

La vision de votre film m’a fait songer au poème de Iossip Brodsky sur les dormeurs, l’Elégie à John Donne...1 Connaissez-vous ce poème ?

Je le connais. Vous êtes tombé juste.

Pouvez-vous nous parler de l’école de cinéma que vous avez fréquentée ensuite, de sa pédagogie, de vos professeurs, de vos camarades de cours, des moyens mis à la disposition des étudiants ?

Le VGIK est une école absolument remarquable du point de vue pédagogique. Mes professeurs enseignaient depuis les années 50. C’étaient des gens qui avaient travaillé avec des cinéastes comme Eisenstein. J’ai participé à un séminaire de littérature sous la direction de Dovjenko aux côtés d’Otar losseliani. Il y avait également des professeurs qui avaient enseigné à Tarkovsky. Chacun de ces professeurs avait ses qualités particulières. Tout cela se ressent lorsqu’on étudie dans un tel endroit. Cette tradition d’une extrême qualité se transmet par ces gens-là. Il y avait donc beaucoup de matières d’un niveau très élevé. Des professeurs absolument géniaux nous enseignaient la littérature étrangère. Ils rivalisaient entre eux. Chacun d’eux avait sa conception du développement de la littérature étrangère. D’autres professeurs nous ont appris les théories de la perception. D’autres encore nous ont enseigné l’art de l’Occident.

Nos études commençaient dès huit heures du matin par des projections. Ensuite il y avait cours. Puis à nouveau des projections suivies de cours. Et le soir, par-dessus le marché, je courais au musée du cinéma. On regardait énormément de films. Il y avait, à l’époque, beaucoup de copies piratées. C’est ainsi que j’ai vu pour la première fois Blow Up d’Antonioni dans une version noir et blanc ! Quand, ensuite, j’ai revu ce film en couleurs, j’ai été fortement étonné. J’ai également vu, en noir et blanc, Le crépuscule des dieux de Visconti.

Au moins une fois par semaine, nous pouvions passer commande de films que nous souhaitions voir. Ils nous étaient alors projetés.

Le VGIK possédait une importante filmothèque. C’est ainsi que j’appris à la table de montage comment Fellini avait monté certains de ses films.

La monteuse qui avait travaillé sur le film de Tarkovsky Andrei Roublev nous donnait le cours de montage. C’était une fanatique. Elle nous enseignait les règles générales du montage et ensuite elle nous fournissait le matériau, la pellicule, le positif, et à partir de ce matériau nous devions nous-mêmes refaire un montage. Pendant que l’on travaillait, elle s’approchait de nous et observait ce que nous faisions. Cela en silence. Parfois, elle sursautait, rien de plus. Et cela suffisait pour nous mettre mal à l’aise. Mais elle ne disait rien...

Le VGIK se trouvait à côté du Studio Gorki. Nous allions régulièrement y chercher de la pellicule. Parce que de temps en temps au Studio Gorki, ils jetaient les positifs. Cela n’était naturellement pas légal. Notre professeur de montage savait où se trouvaient les chutes en question et nous envoyait là-bas en connaissance de cause. Nous pénétrions au Studio à travers un trou de la palissade.

Une fois nous avons récupéré des chutes du film d’Einsenstein Que viva Mexico.

Après avoir coréalisé un premier film avec M. Mangabetov, Aujourd’hui nous construisons une maison, vous réalisez seul L’attente et les trois films suivants, La colonie, Portrait et Paysage. Ils construisent un ensemble d’une grande cohérence, à tel point qu’on peut déjà considérer qu’il s’agit d’une œuvre. Ils parlent de la Russie profonde, de ses paysages et de ses gens. J’aimerais que vous nous parliez de vos films à partir d’un certain nombre de thèmes qui me semblent constitutifs de votre œuvre. Il y a d’abord le traitement très particulier de la parole et des mots développé d’un film à l’autre.

Dans mon dernier film Paysage, il était très difficile de traduire les sous-titres parce qu’il fallait, à travers ceux-ci, traduire le sens profond des mots. Tout joue. Et notamment l’intonation et les accents, leurs connotations. Car c’est tout cela qui véhicule le sens du film. Il fallait également faire ressortir tout ce qui n’avait pas été utilisé. Il s’agit de fragments de phrases. Il aurait fallu rédiger des notes pour chaque sous-titre, pour pouvoir rendre compte de chaque conversation. Or il est impossible d’annoter des paroles poétiques par des commentaires prosaïques.

Les conversations ont-elles été enregistrées au moment du tournage ou à d’autres moments ? De manière synchrone ou non ? La bande sonore de Paysage est-elle conçue comme une partition musicale ?

Oui, c’est exactement cela. J’ai conçu la bande sonore comme une partition. Il y avait quatorze heures d’enregistrements réalisés au même endroit mais à d’autres moments. Pas au moment de la prise de vue. Ensuite, le réalisateur du son et moi, nous avons classifié le texte selon l’expressivité des voix. C’était un travail très difficile. Nous avons construit, avec cette matière sonore, un soubassement général. Ensuite, nous avons monté les détails. Nous avons conçu le texte comme une sinusoïde, avec des variations correspondant aux images. J’ai tenté d’exprimer le spectre des voix le plus large. Des voix les plus brutales aux voix les plus douces. Et j’ai construit cela de telle sorte que l’histoire ne se termine pas et qu’elle tombe comme cela de façon brutale.

Si on pose le son en rapport avec l’image, il me semble que le temps de la caméra permet de saisir chaque visage ou chaque groupe de telle façon que la personne ou le groupe filmé puisse réagir à la caméra. Cela soit en faisait face à la caméra, soit en se fermant, soit encore en se détournant d’elle. Ce qui crée un mouvement à l’intérieur de chaque portrait. Cette analyse traduit-elle correctement votre démarche ?

C’est ainsi. Tout à fait. Vous avez parfaitement vu cela. Le temps possède des qualités différentes, lorsque la caméra est en mouvement et lorsqu’elle s’arrête.

Lorsque la caméra s’arrête, je comprends le temps, je le sens intuitivement. Je sens les chutes et les remontées dans le cadre. Par contre, dans mon dernier film, Paysage, c’est quelque chose de tout à fait particulier de comprendre cela quand la caméra bouge.

Dans votre film Portrait, vous aviez demandé à chaque personne ou à chaque groupe de poser immobile pendant deux ou trois minutes. Cette contrainte a pour effet d’arrêter le temps. Mais parce qu’il s’agit de cinéma et que ces gens ne peuvent pas demeurer complètement immobiles se produit une sorte de mouvement contrarié. Celui-ci définit, à mes yeux, l’expérience du photographe confrontée à celle du cinéaste.

Oui, c’est une situation limite. Ce genre de situation m’intéresse beaucoup. Je le sentais lorsque nous demandions à ces gens de rester immobiles. A certains moments se présentait pour eux une situation de nécessité. Au lieu de continuer à fixer la caméra, ces personnes se repliaient sur elles-mêmes. Ceci se traduit immédiatement par l’expression de leurs visages, sur la manière dont ils se tiennent, la pose qui est la leur. Quelquefois, on perçoit de petits mouvements de doigts, des détails de cet ordre.

C’est en fait une manière d’inciter le spectateur du film à se retourner vers soi-même, une tentative de le pousser dans cette voie. Il s’agit d’un aller-retour en miroir. C’est à cela que j’étais attentif lorsque je filmais ces gens. Il s’agissait pour moi de trouver des personnages qui expriment ce phénomène de la manière la plus expressive. En fait, je disais aux personnes que je filmais de regarder la caméra sans rien ajouter.

Il existe dans ces portraits des éléments extérieurs qui viennent donner vie à l’immobilité des personnages. Il y a, par exemple, un homme assis au bord de la rivière en compagnie d’un chien... Ou alors le vent soulève un manteau… 

On songe à d’anciennes photographies...

Oui, on retrouve dans les anciennes photographies un long temps de pose qui produit un effet semblable.

Enfin, j’ai éprouvé le sentiment que dans ce film (Portrait) les personnages filmés debout manifestent une sorte de vibration qui correspondrait à l’énergie de la terre.

Oui, c’est vrai. Il y a une tension. C’est ce qui m’émeut le plus quand je m’apprête à tourner un film. C’est ce que je recherche...

Dans Portrait on peut également noter l’importance de la bande sonore qui est très riche. Nous avons là des personnages muets tandis que la bande son suggère les bruits de la campagne, celui du vent, les abois des chiens, le croassement des corneilles, tout ce qui reconstitue l’espace et son immensité.

Pour chaque cadre, j’ai choisi des sons particuliers. Si l’on veut insister sur un bruit particulier, on peut produire un bruit dans un grand silence. C’était un des principes qui me guidait. Je recueillais les bruits de différents lieux. Un son particulièrement difficile à réaliser est celui qui exprime l’hiver. J’ai utilisé pour traduire cette saison le cri de la corneille, l’orientation du vent, le crissement d’une porte qui bat, le vent qui s’engouffre dans les tuyaux métalliques, le cri d’un muet.

En ce qui concerne la composition de l’image, celle-ci est parfaite comme une icône. Par exemple, dans le portrait d’une femme portant un râteau. Elle se tient debout devant une grange. Les lattes de bois qui recouvrent la toiture de celle-ci forment avec le râteau un jeu d’obliques. Le personnage est au centre de celui-ci.

Oui, c’est bien ainsi que j’ai conçu cette image.

Pourrions-nous aborder la question du passage du noir et blanc à la couleur dans votre dernier film Paysage ? Quelle a été pour vous la nécessité d’utiliser la couleur ?

Pourquoi le film n’est-il pas tourné en noir et blanc ? Une histoire ancienne est nécessaire pour expliquer cela. Toutes ces questions arrivent lorsque tout est fini. Et tout cas, pour moi c’est comme cela. C’est quand le film est terminé que vous comprenez ce que vous avez fait. Pendant que vous êtes en train de réaliser votre film, il y a des moments où vous comprenez ce que vous faites et d’autres où vous ressentez les choses, sans forcément les comprendre.

Lorsque j’ai commencé ce film-là, la couleur s’est imposée à moi. Et je ne suis pas en mesure, aujourd’hui encore, d’expliquer d’où m’est venue cette nécessité. Je sais que je voulais obtenir une couleur chaude pour compenser une situation cruelle. Ce qui m’a frappé, lorsque j’ai vu les rushes, c’est, par exemple, la couleur des vêtements. Dans ce film, il m’était impossible d’utiliser le noir et blanc. De même que je ne vois pas mon film Portrait en couleurs. Là la couleur aurait gêné.

J’ai le projet de tourner un film sur le mardi gras. Là je pense sciemment utiliser le noir et blanc pour exprimer des images beaucoup plus dures, cruelles.

Dans mon film, Paysage, je voulais rendre l’impression d’un torrent de gens. C’est aussi pour compenser l’effet de cruauté de cette foule de gens qui paraissent très malheureux, en fait. Souvent, le texte est effrayant. Mais en même temps s’y glissent parfois des plaisanteries. C’est dans la langue elle-même que l’on peut retrouver cette situation terrible. Je voulais compenser par la couleur l’absence d’harmonie. On peut avoir devant soi une situation de disharmonie, mais il faut la montrer de manière harmonieuse.

Mais l’utilisation de la couleur permet également de reconnaître des groupes différents. Il y a par exemple, à un certain moment, un groupe de femmes qui portent toutes un bonnet blanc. On devine que d’autres femmes sont sans doute des citadines. Elles portent des manteaux et des toques de fourrure. Ces variations dans les vêtements bariolés constituent une mosaïque.

Oui. Il y a des couches sociales différentes parmi ces personnes. Cette foule est composée de gens de la campagne qui ont perdu leur culture traditionnelle et en même temps de personnes qui habitent en ville mais qui n’ont pas encore trouvé leur nouvelle culture. C’est encore une situation de frontière.

On pourrait remarquer que les femmes sont plus nombreuses que les hommes, les vieilles plus que les jeunes, et on ne voit que peu d’enfants.

Oui, c’est une situation générale. J’ai fait exprès de réaliser un panorama pour qu’on ne me reproche pas d’avoir choisi de montrer certains groupes sociaux plutôt que d’autres. Je voulais éviter toute polémique à ce sujet. L’adoption de la technique du travelling panoramique traduit cette volonté de ma part de ne pas avoir à choisir. Je voulais montrer ce qui se présentait à la caméra.

La plupart des visages filmés sont fermés, tristes, voire hostiles. Je pense notamment à ceux d’un groupe de jeunes hommes qui boivent et qui sont visiblement mal à l’aise devant la caméra.

Il y en avait de pire encore, mais j’ai décidé de ne pas les montrer. Ils ne sont donc pas « tombés » dans le cadre.

J’aimerais maintenant ré-aborder avec vous la question du statut de la parole dans vos films. Dans Portrait, les personnages sont muets. Les personnes filmées dans Paysage, ne parlent pas davantage, mais elles s’expriment collectivement par le truchement d’un chœur parlé, placé comme à l’arrière des images.

Dans mon film Paysage, je me suis efforcé à ne pas lier un texte particulier à un personnage déterminé. C’est pour cela qu’il y a aussi le mouvement de la caméra. Le texte et les personnages sont comme posés « à côté ». On écoute comme si on se tenait de côté. Pour moi, il était important que nous observions de côté. Si vous filmez quelqu’un de face, vous perdez cette possibilité. Lorsqu’un personnage parle de cette façon, vous devenez un témoin plus attentif, plus subtil. Ce qui m’intéresse, c’est la position du témoin accidentel, de hasard, qui observe de côté comme l’étranger d’Albert Camus.

Quels sont les liens tissés entre vos films, les correspondances établies entre eux, les complémentarités.

Je suis fort attentif à la manière dont mes films sont reliés entre eux. Par exemple, mes deux derniers films se trouvent en opposition. Comme si l’un compensait l’autre, l’équilibrait. Chacun de mes films naît du film précédent, constitue une variation de l’expression précédente. Mon film L’attente offre donc une variante de Paysage. Ces deux films sont liés par un même thème, celui de l’attente, précisément. Portrait est lié à Paysage par sa forme. L’attente est liée au film Portrait par la forme également. Par le fait que chacun de ces films comporte trois parties.

Pour le film L’attente, il y a un endroit unique à travers lequel le temps s’écoule. Il correspond au temps de formation de ce lieu. Dans le film Portrait, tourné en plusieurs lieux, le temps se manifeste à travers le passage des saisons. Mais les différents endroits donnent l’impression d’un lieu unique. On me demande souvent où se trouve donc ce village ? Ce sont en fait des variantes d’une seule et même forme.

C’est ce qui m’a fait dire au début de notre conversation que je considère que vos films constituent une œuvre. Il y a quelque chose d’organique dans leur développement qui témoigne d’une extrême cohérence. Pourriez-vous nous parler de votre long métrage La colonie que nous n’avons pas encore évoqué.

Le souvenir que j’en garde est celui d’un petit groupe de gens exclus de la société qui vivent à l’écart d’un village. Mais pardonnez-moi de ne pouvoir être plus précis, je n’ai pas revu ce film récemment.

Lorsque je me rendis pour la première fois en cet endroit, la colonie, je sentis le désir de ces exclus de la société d’être considérés comme des gens normaux. Ce désir se concrétisait par le travail. Et ce désir de travailler, personne ne peut l’empêcher. C’est ce qui m’a attiré en ce lieu.

Au village voisin vivent des gens que l’on dit normaux. Mais si l’on compare la situation des uns et des autres, il est difficile de dire qui est normal et qui ne l’est pas. J’ai voulu parler de cela et d’un monde qui se barricade derrière une clôture. Lorsqu’on regarde le film, on ressent une sorte d’autodestruction. C’était d’ailleurs ma première intention de montrer cela, en débutant ce film. Ensuite, celui-ci est devenu beaucoup plus complexe.

Je ne voulais pas du tout filmer des expressions de l’anormalité.

C’est ce qui explique que d’abord j’ai filmé ces gens de loin, avant de m’en approcher peu à peu. Afin que cela ne produise pas un choc pour le spectateur qui l’écarterait de ces gens. Je ne voulais pas que le spectateur les considère comme des personnes anormales. Je voulais, au contraire, que celui-ci soit attiré vers eux par le film. Les premières vingt minutes ne permettent pas au spectateur de les regarder de façon condescendante. Bien sûr, il règne quand même une relative étrangeté, un mystère. Lorsque à la fin du film, je montre en gros plan les visages de ces gens, ceux-ci se révèlent être les visages de gens normaux. Et cela provoque une toute autre émotion.

Travaillez-vous aujourd’hui à un nouveau film ?

Actuellement, je tourne dans une briqueterie. Il y a beaucoup de bruit. Le travail est extrêmement monotone. Il est effectué exclusivement par des femmes. Beaucoup de compositions rappellent celles de Fernand Léger et du constructivisme. Le film se développe comme une partition musicale. En écoutant les bruits de la briqueterie, j’ai beaucoup pensé à la musique du XXe siècle. Parce que tout l’environnement visuel et sonore de la briqueterie nous influence beaucoup, même inconsciemment. Le film est tourné en couleurs. Il n’y aura aucun texte.

  • 1« L’Elégie à John Donne » dans Joseph Brodsky, Collines et autres poèmes, traduit du russe par Jean-Jacques Marie. Paris, Editions du Seuil, 1966.

Images (1) & (7) de Polustanok [L’attente] (Sergei Loznitsa, 2000)

Images (2), (5) & (6) de Peyzazh [Paysage] (Sergei Loznitsa, 2003)

Images (3) & (4) de Portret [Portrait] (Sergei Loznitsa, 2002)

Images (8) de Poselenie [La colonie] (Sergei Loznitsa, 2002)

 

Entretien réalisé à Paris, au Centre Pompidou, pendant le festival Cinéma du Réel, le 12 mars 2004. Traduction simultanée : Gisèle Burda.

Ce texte a été publié à l’origine dans Images Documentaires 50/51 en 2004.

Un grand merci à Catherine Blangonnet-Auer et à la famille de Serge Meurant.

CONVERSATION
04.12.2024
FR
In Passage, Sabzian invites film critics, authors, filmmakers and spectators to send a text or fragment on cinema that left a lasting impression.
Pour Passage, Sabzian demande à des critiques de cinéma, auteurs, cinéastes et spectateurs un texte ou un fragment qui les a marqués.
In Passage vraagt Sabzian filmcritici, auteurs, filmmakers en toeschouwers naar een tekst of een fragment dat ooit een blijvende indruk op hen achterliet.
The Prisma section is a series of short reflections on cinema. A Prisma always has the same length – exactly 2000 characters – and is accompanied by one image. It is a short-distance exercise, a miniature text in which one detail or element is refracted into the spectrum of a larger idea or observation.
La rubrique Prisma est une série de courtes réflexions sur le cinéma. Tous les Prisma ont la même longueur – exactement 2000 caractères – et sont accompagnés d'une seule image. Exercices à courte distance, les Prisma consistent en un texte miniature dans lequel un détail ou élément se détache du spectre d'une penséée ou observation plus large.
De Prisma-rubriek is een reeks korte reflecties over cinema. Een Prisma heeft altijd dezelfde lengte – precies 2000 tekens – en wordt begeleid door één beeld. Een Prisma is een oefening op de korte afstand, een miniatuurtekst waarin één detail of element in het spectrum van een grotere gedachte of observatie breekt.
Jacques Tati once said, “I want the film to start the moment you leave the cinema.” A film fixes itself in your movements and your way of looking at things. After a Chaplin film, you catch yourself doing clumsy jumps, after a Rohmer it’s always summer, and the ghost of Akerman undeniably haunts the kitchen. In this feature, a Sabzian editor takes a film outside and discovers cross-connections between cinema and life.
Jacques Tati once said, “I want the film to start the moment you leave the cinema.” A film fixes itself in your movements and your way of looking at things. After a Chaplin film, you catch yourself doing clumsy jumps, after a Rohmer it’s always summer, and the ghost of Akerman undeniably haunts the kitchen. In this feature, a Sabzian editor takes a film outside and discovers cross-connections between cinema and life.
Jacques Tati zei ooit: “Ik wil dat de film begint op het moment dat je de cinemazaal verlaat.” Een film zet zich vast in je bewegingen en je manier van kijken. Na een film van Chaplin betrap je jezelf op klungelige sprongen, na een Rohmer is het altijd zomer en de geest van Chantal Akerman waart onomstotelijk rond in de keuken. In deze rubriek neemt een Sabzian-redactielid een film mee naar buiten en ontwaart kruisverbindingen tussen cinema en leven.