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Bio-filmographie de Chantal Akerman

De 1950 à 1995

(1) Saute ma ville (Chantal Akerman, 1968)

Née à Bruxelles, le 6 juin 1950

- Son grand-père maternel quitte la Pologne en 1918 et s’installe à Bruxelles. C’est un juif très religieux. Sa femme est peintre, une transgression difficile à assumer. Elle ne reviendra jamais des camps de concentration et son travail a disparu en Allemagne.
- Sa mère est déportée à Auschwitz. Chantal sera très marquée par son grand-père qui vit chez ses parents et veille à ce que la maison familiale reste bien à l’ombre de la synagogue.
« Il y a chez moi des portraits de mon grand-père avec la barbe et tout. » (Entretien avec Jean-Luc Godard, Ça cinéma, numéro 19.)
- Son père a un atelier de cuirs et peaux. Il s’établira commerçant. Il aurait souhaité que Chantal entre dans les affaires.

1957
Naissance de sa sœur Sylviane. Mariée, elle vit actuellement au Mexique.

1958
Mort de son grand-père.
- Elle fréquente d’abord l’école juive, puis l’école de la rue Léon Lepage et enfin le Lycée Émile Jacqmain, où celle qui deviendra sa productrice, Marilyn Watelet, est également élève.
- Va au lycée jusqu’en troisième. Son meilleur souvenir : apprendre à écrire et l'écriture.
« J’ai un rapport à l'écriture certainement aussi fort qu’au cinéma. »

1965
« J’étais à Bruxelles, je n’aimais pas du tout le cinéma, je trouvais que c’était pour les débiles, tout ce qu’on m’avait amené voir c’était Mickey Mouse ou des choses comme ça... et puis j’ai vu Pierrot le fou et j’ai eu l’impression que ça parlait de notre époque, de ce que je sentais. Avant c’était toujours Les canons de Navarone. Et je m’en foutais de ces choses-là. Je ne sais pas, mais c’était la première fois que j’étais émue au cinéma, mais alors violemment. Et sans doute, j’ai voulu faire la même chose avec des films qui seraient les miens. » (Entretien avec Jean-Luc Godard, Ça cinéma, numéro 19).
- Tourne son premier plan, sa mère qui entre dans un grand building et ouvre la boîte aux lettres.

1967
Assiste avec Marilyn Watelet au Festival du film expérimental de Knokke-le-Zoute, créé par Jacques Ledoux, conservateur de la Cinémathèque Royale de Belgique. Elle y voit entre autres Wavelength de Michael Snow. « Mais j’ai refusé beaucoup de films parce que je recherchais une histoire, des sensations, des sentiments... Ce dont je me souviens, c’est que j’étais couchée par terre et que j’ai dormi pendant tout le festival. Il y a un temps pour chaque chose. » (Interview de Michèle Levieux, Écran 76)

1968
Saute ma ville (court-métrage)
Sans cette révélation décisive, Chantal Akerman serait sans doute, dit-elle, devenue écrivain. Mais puisque le cinéma est entré dans sa vie, elle se présente à l’INSAS (Institut national supérieur des arts du spectacle) où elle restera peu de temps.
« Personne ne me prenait au sérieux dans cette école. On se moquait carrément de moi. J’ai compris qu’il fallait que je tourne pour susciter un tant soit peu de respect. Alors je suis entrée dans une banque, juste le temps de financer un court-métrage, que j’ai tourné à 18 ans. Il a beaucoup circulé dans les festivals ... » (Interview d’Alain Riou, Nouvel Observateur, 28 septembre 1989)
Faute d’argent, le film reste bloqué au laboratoire pendant deux ans. Il sera vu par hasard par André Delvaux, qui en parle d’une manière enthousiaste et décisive lorsqu’il est programmé par Eric de Kuyper dans son émission à la BRT, De Andere Film. Ce sera le début d’une longue amitié avec Eric de Kuyper, théoricien et historien du cinéma et cinéaste lui-même. Quant à André Delvaux, qu’elle va voir pour le remercier, il lui donne des conseils pour entrer dans le modeste mais efficace créneau d’aide au cinéma dirigé à ce moment par Émile Cantillon.
- « Il y a tout un problème par rapport à l’image chez le juif : on n’a pas le droit de faire des images, on est dans la transgression quand on en fait, parce qu’elles sont liées à l’idolâtrie. C'est pour cela que j’essaie de faire un cinéma très essentialisé, où il n’y a pas, disons, d'image sensationnaliste. » (Entretien avec Jean-Luc Godard, Ça cinéma, numéro 19)
- Chantal Akerman part à Paris. 
« La vraie raison pour laquelle je vis à Paris est finalement très indépendante du fait que j’aime ou non la ville. D’une certaine manière, je ne voulais pas vivre chez moi, tout en n’étant pas trop loin. Pour cela, Paris était l’endroit idéal. Néerlandophone, j’aurais peut-être choisi Londres. Francophone, j’ai choisi Paris. A 18 ans, quand j’ai fait mes bagages, l’amoureuse de littérature que j'étais, pensait aussi que c'est la ville où on écrit le plus. Je me suis très vite rendue compte que c’était faux. On écrit partout. Mais déjà gosse, j’avais cette idée un peu bébête de la bohème, que j’allais un jour écrire des romans à Paris dans une chambre de bonne... » (interview de Louis Danvers, Weekend-l’Express, 6 septembre 1991)

1969
Stage de six mois à l’Université internationale du théâtre. Écrit deux scénarios, Une histoire d’amour, L’enfant mort. Pièce de théâtre à partir des lettres de Vincent van Gogh à son frère : « Un atelier qui jette ses racines en plein dans la vie même. » Est assistante à la réalisation de trois longs-métrages réalisés par Yvan Lagrange : Naissance, La famille, Une leçon de chose.

(2) L’enfant aimé ou je joue à être une femme mariée (Chantal Akerman, 1971)

1971
L’enfant aimé (court-métrage)
« C’est un film qui ne m’a jamais satisfait. J’y appliquais des idées très abstraites sur le refus du montage en tant que manipulation du spectateur, sans tenir compte du fait qu’opter pour la formule du plan séquence, c’est très joli, mais il faut préparer, chronométrer terriblement ce genre de plan. Moi j’avais laissé faire et cela n’avait rien donné. » (Interview de Jacques de Decker, Le Soir, 14 janvier 1981)
- Voyage en Israël, puis départ à New York avec Samy Szlingerbaum, un ami d’enfance. Elle vit de petits boulots. Elle sera, entre autres, ouvreuse dans un cinéma porno. Rencontre Babette Mangolte qui fera l’image de ses premiers films et lui fera découvrir beaucoup de choses. En plus, avec elle, elle entre dans la mouvance d’Yvonne Rainer, Michael Snow et des autres cinéastes expérimentaux new-yorkais. Elle fréquente l’Anthology Film Archive. Elle regarde les films et découvre un territoire de liberté. Elle dira que cela a été une période fantastique de sa vie.

1972
Hotel Monterey (long-métrage)
« Le seul endroit où je pourrais me sentir un peu chez moi est New York. Parce que là-bas, tout le monde vient d’ailleurs... moi, je n’aime pas appartenir à un lieu précis : ça maintient l’esprit en éveil et ça permet de comprendre, de ressentir ce que peuvent vivre des gens plus étrangers que moi par leur langue ou leur couleur de peau. » (Interview de Louis Danvers, Weekend/l’Express, 6 septembre 1991)
« Quand j’ai vu pour la première fois, l’hôtel Monterey, j’ai été intéressée, choquée. Si j’avais fait immédiatement quelque chose, ça aurait été du reportage. Mais j’ai travaillé, repensé pendant six mois à cet hôtel. C’est tout un travail de recréation d’une certaine réalité à travers le langage cinématographique. Ca joue à différents niveaux : le temps, l'espace, la couleur, la lumière, la durée et les rythmes. » (Propos recueillis par Marie-Claude Treilhou)

(3) La chambre (Chantal Akerman, 1973)

1973
La chambre (court-métrage)
Le 15/8, co-réalisé avec Samy Szlingerbaum (moyen-métrage)
Hanging out Yonkers (long-métrage)
« Cela aurait pu devenir un film magnifique. Il m’avait été demandé par un organisme à New York qui s’occupait de la réhabilitation et de la réinsertion des jeunes délinquants. Mais comme je voulais surtout travailler la bande son et que je ne disposais que d’un enregistreur à cassettes, ça n’a pu être mené à bien. Je n’en ai conservé que des rushes. » (Interview de Jacques de Decker, Le Soir, 14 janvier 1981)

1974
Je, tu, il, elle (long-métrage)
« J’ai travaillé comme intérimaire pour gagner 5.000, pour produire Je, tu, il, elle. Coup de chance, j’ai trouvé de la pellicule vierge abandonnée dans un couloir. » (Interview d'Alain Riou, Nouvel Observateur, 28 septembre 1989).
« J'ai fait ce film avec trois personnes et il fallait tout faire soi-même. » (Entretien avec Godard)
« J’ai tourné ce film en ‘74, d’après un texte écrit en ‘68. Au moment où je l’ai écrit, j’avais l’âge du personnage et les mêmes sortes de problèmes. Si je l’avais tourné à ce moment-là, j’aurais fait un film sur une anecdote, tandis que l’espace de six ans a permis une mise en scène, et mon utilisation en tant qu’actrice faisait partie de cette mise en scène. Pourtant, chaque fois que je revois le film, l’image – la mienne – qu’il me renvoie me met mal à l’aise. Je n’ai pourtant apparemment plus rien de commun avec ce personnage hors du social, désespéré, et qui pourtant pose geste après geste, avec une sorte de décision secrète, un désespoir muet proche du hurlement. J’ai une vie occupée et j’ai l’air d'être définitivement passée du côté des adultes avec le sourire, mais je crois qu’en chacun de nous, il reste une résonance de ce hurlement d’un moment, que l’on a étouffé pour jouer le jeu de la société. » (Archives de la Cinémathèque Royale de Belgique, interview non signée, non située)

(4) Je, tu, il, elle (Chantal Akerman, 1974)

1975
Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (long-métrage)
La première version du scénario s’appelait Elle vogue vers l’Amérique. Le rôle de Jeanne intéressa Delphine Seyrig, mais Chantal Akerman réécrivit le script et transforma totalement l’histoire.
« Je me retournais dans mon lit, inquiète. Et brusquement, en une seule minute, j’ai vu tout Jeanne Dielman. » (Nouvel Observateur, 28 septembre 1989)
Le film sera réalisé avec l’aide du service cinéma de la Communauté française de Belgique, qui lui attribuera quatre millions de francs belges. Delphine Seyrig restera, jusqu’à sa mort, une amie très proche de Chantal Akerman.
À la sortie du film, un article magistral de Louis Marcorelles paraît dans Le Monde du 22 janvier 1976. Il s’intitule « Nouveau cinéma comme nouveau roman » et se termine par la phrase : « Certainement le premier chef-d’œuvre au féminin de l’histoire du cinéma.» 
- Création avec Marilyn Watelet de Paradise Films. En 1978, Marilyn Watelet, jusqu’alors scripte à la RTB,1 abandonnera ce travail pour se consacrer à la production Paradise Films, qui s’occupera en priorité des films de Chantal Akerman.

1977
News from Home (long métrage)
« C’est un projet que j’ai fait sans écrire, comme Hotel Monterey ou La chambre. Je n’en étais pas inquiète, parce que c’est un projet plus conceptuel qui partait d’une idée, d’un choc, d’une image que j’avais de New York, et de sons qui étaient les lettres de ma mère. » (Entretien avec Godard, Ça cinéma, numéro 19)
« Tout ce qui fait habituellement fonctionner le spectateur, c'est l’identification au personnage. Or, dans mon film, il n’y a ni héros, ni narration classique. Ça fonctionne ailleurs, sur des rythmes, sur des pulsations, sur le regard. Une image en amène une autre. C’est comme une musique. On suit des notes et là, on suit des images. On ne peut faire qu’une chose, regarder, écouter et cela met en question comme spectateur. C’est un film sur le temps, l’espace. Je montre un certain New York, qui n’est pas le New York les que gens ont l’habitude de voir. » (Interview de Martine Storti, Libération, 20 juin 1977)

1978
Les rendez-vous d’Anna (long-métrage)
Premier film produit par une grande compagnie la Gaumont, donc fait dans un système de production classique, même si le budget reste modeste quand on le compare aux investissements commerciaux grand public.
« Le voyage d’Anna à travers l’Europe du Nord n’est pas un voyage romantique, ni de formation, ni d’initiation. C’est le voyage d’une exilée, d’une nomade qui ne possède rien de l’espace qu’elle traverse ... Les gens qu’Anna rencontre sont tous au bord de quelque chose. Il suffirait de peu pour qu’ils basculent... ils ont conscience confusément que les valeurs sur lesquelles ils ont construit leur vie tremblent ... ils se posent la question du bonheur. Quel bonheur et comment ? Je crois que nous sommes à la fin, au bout de quelque chose, et que nous allons commencer quelque chose dont nous ne savons encore rien. Je suis comme les personnages du film. Qu’est-ce qui peut se passer, je ne sais pas… » (Cahier Atelier des arts, 1982)

1979
Chantal Akerman écrit l’adaptation de deux romans de Isaac Bashevis Singer, Le manoir et Le domaine. Elle va à Los Angeles pour monter la production. Le budget est estimé à cinq millions de dollars. Elle ne parviendra pas à réunir cette somme et le projet est abandonné.
« Au fond, j’avais toujours réussi à faire ce que j’avais entrepris et là, je me suis retrouvée devant un mur. J’en parle maintenant avec légèreté, mais cela a été très dur. » (Libération, 29 octobre 1982).

1980
Dis-moi (court-métrage)
Premier travail fait pour la télévision. Désormais, Chantal Akerman fera alterner les longs métrages cinématographiques et les travaux dits de commande auxquels elle donnera l’Akerman touch, les seconds n’étant pas moins personnels que les premiers.

1982
Toute une nuit (long-métrage)
« Le film commence par une nuit très chaude, traversée juste avant l’aube par un orage violent, et se termine le matin, un matin au soleil très vif, au ciel lavé d’un bleu doux. La première partie, – la plus longue –, la nuit, se déroule dans une atmosphère très tendue, celle qui précède les grands orages, au rythme des battements du cœur. Elle est composée d’une série de fragments qui ont presque tous à voir avec le frémissement, la tension amoureuse ou sexuelle, et toujours avec les sentiments. Ces fragments sont comme des morceaux d’intensité. Enfin l’orage éclate ... alors tout s’arrête dans les maisons. La deuxième partie du film est beaucoup plus courte. C’est l’aube, le seul moment de répit avant que ne commence la journée... toute tension a disparu, c’est le calme plat. Avec le jour commence la troisième partie du film. L’activité reprend avec le réveil. Normalement, comme si la nuit, avec ses émotions, avait été oubliée. Dans la nuit, on voit une foule de personnages différents, couples, familles ou solitaires de tous âges… À l’aube, nous n’en retrouvons que quelques-uns. Trois, quatre. Et le matin, à peine plus. Certains que nous aurions revus à l’aube, d’autres que nous aurions perdus depuis la nuit. » (Atelier des Arts, 1982).
Hôtel des acacias (moyen-métrage)
Raymond Ravar, alors directeur de l’INSAS, demande à Chantal Akerman de revenir, en tant que professeur, dans l’école qu’elle avait si précipitamment quittée comme étudiante. Elle y dirige un séminaire de réalisation, et écrit le scénario Hôtel des acacias en collaboration avec Michèle Blondeel. Il sera réalisé avec les étudiants et sera la première ébauche de Golden Eighties.
- À l’INSAS toujours, premier séminaire consacré à Chantal Akerman sous la direction de Jacqueline Aubenas. Il a donné lieu à une publication (épuisée) avec des communications de Thierry de Duve, Eric de Kuyper, Benoît Peeters, Françoise Collin, etc.

1983
Les années 80 (long-métrage)
« Entre un scénario et un film, il y a tout un territoire à traverser. Les années 80, c’est le temps passé dans ce territoire. Bataille d’amour avec le réel et ses éléments : les acteurs, les chanteurs, les danseurs, liés et contraints par une histoire, dans un décor, sous une lumière traversée par une musique. Comment, entre le scénario toujours irreprésentable et sa future représentation, vont peu à peu s’organiser les différents éléments du réel jusqu'à donner un film ? Comment, avec du réel, on arrive à la fiction. » (Avant-propos du dossier de presse)

(5) L’homme à la valise (Chantal Akerman, 1984)

1984
L’homme à la valise (long-métrage)
Un jour Pina a demandé (long-métrage)
J’ai faim, j’ai froid (court-métrage) (épisode de Paris vu par... vingt ans après)
Family Business (court-métrage)
New York, New York bis (court-métrage)
Lettre d’un cinéaste (court-métrage)
Une des années qui a séparé Toute une nuit de Golden Eighties. Mais entre les deux, Chantal Akerman n’arrête pas de travailler, acceptant des projets télévisuels, écrivant et vivant.

1985
Golden Eighties (long-métrage)
Chantal Akerman a mis quatre ans à monter ce projet. Un article utilement virulent de Louis Skorecki « Qui veut empêcher Akerman de tourner ? » est publié le 23 septembre 1985 dans Libération. L’énergie de la productrice fera le reste. C’est le premier qu’elle va tourner entièrement en studio à Paris, où sera reconstitué l’espace de La Toison d’or bruxelloise.
« D’abord l’envie de faire une comédie. Une comédie sur l’amour et le commerce. Burlesque, tendre, frénétique. Une comédie où les personnages parleraient vite, se déplaceraient vite et sans cesse, mus par le désir, les regrets, les sentiments et la cupidité, se croiseraient sans se voir, se verraient sans pouvoir s'atteindre, se perdraient pour se retrouver enfin. Où, au fur et à mesure du déroulement du film, les intrigues se resserreront, se précipiteront, alors que les sentiments s’exaspéreront, que les déplacements de nos personnages se feront de plus en plus rapides… Ce sera alors comme une machine folle qui s’emballe, qui s’emballe pour soudain retrouver son calme dans la dernière image, où, pour la première fois, on apercevrait enfin, dans la lumière du soleil couchant, le monde extérieur, l’autre vie. » (Cahier des Ateliers des Arts, 1982)
- Rencontre la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton, dont l’influence sera déterminante dans l’évolution de la partition musicale des films de Chantal Akerman.

1986
Letters from Home (long-métrage)
Le marteau (court-métrage)
Rue Mallet-Stevens (court-métrage)
Journal d’une paresseuse (court-métrage)

(6) Portrait d’une paresseuse (Chantal Akerman, 1986)

1988
Histoires d’Amérique (long-métrage)
« J’ai toujours voulu faire un film sur la diaspora juive. Dans mon esprit, c’était un vaste Autant en emporte le vent ardent et romanesque. Puis j’ai songé à une forme plus intérieure, mais je ne voulais pas non plus faire un film abstrait. Je ne sais trop comment la forme actuelle s’est imposée. Sans doute était-ce une façon de communiquer avec ce qu’a vécu ma mère, et qui l’a laissée incapable de parler pendant toute mon enfance, au point que j’en étais moi-même malade. » (Interview d’Alain Riou, Nouvel Observateur, 28 septembre 1989)
« Il se trouve que La Sept m’a proposé de réaliser un documentaire sur l’écrivain Isaac Bashevis Singer. Une fois arrivée à New York, je me suis rendue compte que j’avais autre chose à transmettre. Les producteurs ont été d’accord pour que je modifie mon projet [...]. J’ai trouvé les thèmes des monologues dans des journaux yiddish. J’ai inventé d’autres histoires, réécrit des blagues trouvées chez Freud ... » (Journal de Genève, 21 octobre 1989, interview de Katia Berger)
Les trois dernières sonates de Franz Schubert (moyen-métrage)
Trois strophes sur le nom de Sacher (court-métrage)

1991
Nuit et jour (long-métrage)
« Il y a une dizaine d’années, je me suis trouvée dans la position de Joseph. J’étais honteuse, mortifiée, je trouvais que cela salissait tout. A l’époque, j’ai pris quelques notes. En remettant de l’ordre chez moi, je les ai retrouvées et je me suis dit : ‘Moi, je vais écrire une histoire avec tout cela, une histoire qui sera belle et propre. » Je l’ai écrite d’un seul jet, sans savoir où j’allais. » (Interview de Fernand Denis, La Libre Belgique, 28 septembre 1991)
Contre l’oubli (court-métrage)
Chantal Akerman est une des trente cinéastes qui a participé au film réalisé pour le trentième anniversaire d’Amnesty International. Ils seront tous diffusés sur les chaînes françaises (sauf TF1) sur le câble M6, TV5, CFI, RFO.

1992
D’Est (long-métrage)
Chantal Akerman est sollicitée par Kathy Halbreich, conservateur du musée d’art contemporain de Boston, Susan Dowling, productrice à la WGBH, et Michael Tarantino pour réaliser Bordering on Fiction ; Chantal Akerman’s D’Est, une installation multimédia consacrée à l’unification de la Communauté européenne. Ces initiateurs seront rejoints par Bruce Jenkins et Catherine David, alors conservateur à la Galerie nationale du jeu de Paume. Le film, présenté aux festivals de Locarno et Florence, devient rapidement un documentaire culte.
« Je voudrais faire un grand voyage à travers l’Europe de l’Est tant qu’il est encore temps. Je voudrais filmer là-bas, à ma manière documentaire frôlant la fiction, de tout. De tout ce qui me touche. Des visages, des bouts de rues, des voitures qui passent et des autobus, des gares et des plaines, des rivières ou des mers, des fleuves et des ruisseaux, des arbres et des forêts. Des champs et des usines et encore des visages, de la nourriture, des intérieurs, des portes, des fenêtres, des préparations de repas. Des femmes et des hommes, des jeunes et des vieux, qui passent ou qui s’arrêtent, assis ou debout, parfois même couchés. Des jours et des nuits, la pluie et le vent, la neige et le printemps. Et encore des visages. Et tout cela qui se transforme doucement, tout au long du voyage, les visages et les paysages... Je voudrais enregistrer les sons de cette terre. » (Dossier de presse du film)
Hall de nuit
Pièce de théâtre créée au théâtre de Léthé à Paris, dans une mise en scène d’Amahi Desclozeaux.
« J’ai envie d’écrire des pièces de théâtre, parce que j’ai toujours aimé écrire – mes scénarios de films étaient déjà très écrits – et parce que j’ai toujours aimé le théâtre. J’aime la contrainte que ce genre impose et j’aime aussi les libertés qu’il permet. » (programme de la pièce Le déménagement, Bruxelles, 94).
Le texte Hall de nuit a été publié aux éditions L’Arche (50 pages, 1992) et a bénéficié d’une aide à l’écriture de la fondation Beaumarchais. 
Le déménagement (moyen-métrage et pièce de théâtre)
La pièce de théâtre a été mise en scène par Jules-Henri Marchant au Petit théâtre du Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, du 13 mai au 3 juin 1994, avec Luc Van Grunderbeeck dans le rôle du monologueur et avec Alex Basselet pour les représentations en langue des signes.

1993
Portrait d'une jeune fille, fin des années 60 à Bruxelles (long-métrage)

1994
Mort de son père.

1995
Un divan à New-York (long-métrage)
Une comédie dont la sortie est prévue en décembre 1995. Un très gros enjeu dans la carrière de Chantal Akerman.
D’Est (installation muséale)
Va être présentée en octobre à la Galerie nationale du jeu de Paume à Paris, en décembre au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles. Elle circulera aux USA, en Allemagne, en Espagne ...2

  • 1RTB: Radio-télévision belge, aujourd’hui RTBF, la société de radiodiffusion publique autonome de la communauté francophone de Belgique.
  • 2Ce texte a été publié originellement en 1995, ce qui explique le temps du futur dans cette dernière section. Sabzian travaille actuellement sur une deuxième partie de la bio-filmographie de Chantal Akerman, de 1995 à 2015. Ce texte paraîtra prochainement.

Image (1) de Saute ma ville (Chantal Akerman, 1968)

Image (2) de L’enfant aimé ou je joue à être une femme mariée (Chantal Akerman, 1971)

Image (3) de La chambre (Chantal Akerman, 1973)

Image (4) de Je, tu, il, elle (Chantal Akerman, 1974)

Image (5) de L’homme à la valise (Chantal Akerman, 1984)

Image (6) de Portrait d’une paresseuse (Chantal Akerman, 1986)

Un grand merci à la Fondation Chantal Akerman.

Ce texte a été publié à l’origine dans Hommage à Chantal Akerman (Communauté française de Belgique : Wallonie-Bruxelles, 1995).

ARTICLE
13.03.2024
NL FR EN
In Passage, Sabzian invites film critics, authors, filmmakers and spectators to send a text or fragment on cinema that left a lasting impression.
Pour Passage, Sabzian demande à des critiques de cinéma, auteurs, cinéastes et spectateurs un texte ou un fragment qui les a marqués.
In Passage vraagt Sabzian filmcritici, auteurs, filmmakers en toeschouwers naar een tekst of een fragment dat ooit een blijvende indruk op hen achterliet.
The Prisma section is a series of short reflections on cinema. A Prisma always has the same length – exactly 2000 characters – and is accompanied by one image. It is a short-distance exercise, a miniature text in which one detail or element is refracted into the spectrum of a larger idea or observation.
La rubrique Prisma est une série de courtes réflexions sur le cinéma. Tous les Prisma ont la même longueur – exactement 2000 caractères – et sont accompagnés d'une seule image. Exercices à courte distance, les Prisma consistent en un texte miniature dans lequel un détail ou élément se détache du spectre d'une penséée ou observation plus large.
De Prisma-rubriek is een reeks korte reflecties over cinema. Een Prisma heeft altijd dezelfde lengte – precies 2000 tekens – en wordt begeleid door één beeld. Een Prisma is een oefening op de korte afstand, een miniatuurtekst waarin één detail of element in het spectrum van een grotere gedachte of observatie breekt.
Jacques Tati once said, “I want the film to start the moment you leave the cinema.” A film fixes itself in your movements and your way of looking at things. After a Chaplin film, you catch yourself doing clumsy jumps, after a Rohmer it’s always summer, and the ghost of Akerman undeniably haunts the kitchen. In this feature, a Sabzian editor takes a film outside and discovers cross-connections between cinema and life.
Jacques Tati once said, “I want the film to start the moment you leave the cinema.” A film fixes itself in your movements and your way of looking at things. After a Chaplin film, you catch yourself doing clumsy jumps, after a Rohmer it’s always summer, and the ghost of Akerman undeniably haunts the kitchen. In this feature, a Sabzian editor takes a film outside and discovers cross-connections between cinema and life.
Jacques Tati zei ooit: “Ik wil dat de film begint op het moment dat je de cinemazaal verlaat.” Een film zet zich vast in je bewegingen en je manier van kijken. Na een film van Chaplin betrap je jezelf op klungelige sprongen, na een Rohmer is het altijd zomer en de geest van Chantal Akerman waart onomstotelijk rond in de keuken. In deze rubriek neemt een Sabzian-redactielid een film mee naar buiten en ontwaart kruisverbindingen tussen cinema en leven.