In De grote vakantie Johan van der Keuken learns he only has a few years left to live after being diagnosed with a terminal illness. He and his wife Nosh decide to go on a long vacation to make a final film.
EN
“In The Long Holiday, and to some degree, Last Words: My Sister Joke, van der Keuken’s experimental techniques and abstract use of (documentary) film language seems increasingly curtailed by the immediate reality of dying and death. Throughout The Long Holiday, most sequences attempt to record (immortalise) a given location, view, or ceremony and in so doing they also seem to disclose a desire to record the real, to capture a representation that is composed and continuous, stable and reliable. Even the film’s ‘painterly’ closing sequence of boats and barges trafficking in the bay seems to overstay its welcome, and begin to configure itself into a series of pictorial – photographic, even – clichés. At times, the film’s reliance on a conventional realist aesthetic is undermined by something more abstract (for example, the close shots of clinking porcelain tea-cups that seem to symbolise home and companionship as well as time and fragility, some of the intercutting, or the sequence in which he ‘remakes’ Vertigo in San Francisco with a small video camera and a photograph of Noshka, etc.) but by and large van der Keuken’s camera seems now to want to ‘photograph’ the world, framing images and assembling sequences in such a way as to counter the passing of everything, and the loneliness of the self in the strange company of its death. Perhaps, it is true that there are better times to face death than when you are actually dying and that your own death is something you can only encounter as you live your own life. Whatever may be the case, in films such as A Moment’s Silence or Lucebert: Time and Farewell, it does seem that van der Keuken’s avant-garde tendency and formal range could respond to experiences of general mourning and loss in ways that were increasingly impossible when that loss, and the inevitability of dying, emerged in a more immediate, intimate, and solitary form. A line from Lucebert comes to mind: ‘I reel off a small lovely rustling revolution/and I fall and I murmur and I sing.’”
Des O'Rawe1
- 1Des O'Rawe, “Cinema Lucida: Johan van der Keuken and the Meaning of Loss,” Screening the Past, 17 November 2010.
NL
“Eens zullen ze genadeloos worden opgeruimd...
de beelden waar je in woont.”
Johan van der Keuken in de voice-over van de film
kijk,
ik weet het niet
ik was nog nooit dood
maar als je nou dood bent
wat zie je dan
wat zie jij nu wat ik niet zie
Want als de ogen zich sluiten
en het zicht naar binnen keert
waar ben ik dan
en jij?
en wij?
– Bert Schierbeek in De deur1
- 1Bert Schierbeek, De deur (Amsterdam: De Bezige Bij, 1972)
FR
« « L’âme qui rêve devant le nuage léger reçoit à la fois l’image matérielle d’une effusion et l’image dynamique d’une ascension. Dans une telle rêverie de la perte du nuage dans le ciel bleu, l’être rêveur participe de tout son être à une sublimation totale. C’est vraiment l’image de la sublimation absolue. C’est le voyage extrême. »1
Alors qu’il séjourne à Paris pour y présenter un large panorama de son œuvre ainsi que ses derniers travaux, le cinéaste Johan van der Keuken apprend que le cancer de la prostate pour lequel il est en traitement a franchi un stade critique. Dès son retour chez lui, à Amsterdam, sa femme Nosh lui dit : « Partons faire de beaux voyages. » Le film raconte chronologiquement cette balade autour du monde avec, en son centre, le noyau terrible et dévorant du mal, qui déteint sur toutes les autres préoccupations, tant il est vrai que « peu de sujet résiste à la menace de mort ».2
Ainsi, non seulement le réalisateur se trouve-t-il confronté à des questions matérielles ou d'inspiration, mais encore doit-il combattre la maladie et faire face à la souffrance. Pour cela, au cours de son périple, il tente divers traitements, et entreprend une quête spirituelle, à l’écoute des sagesses ancestrales, celles d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine. Enfin, très prosaïquement, il doit disposer de temps, ce qui ne s’obtient pas seulement des producteurs (il leur a expliqué les raisons de l’urgence de tourner), mais surtout des médecins. Lui qui n’a jamais caché les dessous et les négociations d’un tournage, il expose « à nu » son corps de « patient », ne dissimule rien des angoisses de celui « dont les années sont comptées ». S’engager dans un tel projet, c’est un peu prendre le spectateur en otage, puisque c'est fonder le récit sur cet étrange ressort dramatique : le narrateur tiendra-il jusqu’au bout ? Gêne contrebalancée par une façon franche de raconter, qui désigne et affronte le danger, plutôt que de le masquer ou de le fuir. Un film qui balance entre inquiétude et sincérité, dans une oscillation compréhensible, puisqu’il n’y a plus de choix. Cerné par la maladie, le cinéaste est dos au mur.
Ce parcours se fait néanmoins avec une certaine légèreté, ou du moins dans un constant détachement, ce qu’annonce le titre Vacances prolongées. Assimilant la mort à un simple voyage (quoique sans retour), il écarte d’entrée tout apitoiement. Un artiste n’a jamais définitivement « disparu », suggère-t-il, mais il est seulement au loin, ailleurs.3 Ce parti pris, et les derniers mots en forme de happy end, où l'auteur prétend espérer être encore longtemps parmi nous, ce sont « les belles histoires qu’il (se) raconte pour faire face à la mort et au néant ». »
Thierry Nouel4
- 1Gaston Bachelard, L’Air et les songes (José Corti : Paris, 1974), 10.
- 2André Malraux, Lazare (Gallimard : Paris, 1974), 10.
- 3C’est en nous que l’œuvre durera, pour autant que nous nous en nourrirons. Par ailleurs, cette volonté de dédramatiser rappelle la blague de Woody Allen sur l’éternité « longue, surtout à la fin ».
- 4Thierry Nouel, « La mort à l’œuvre. Élégie de la non-image, » Hors-Champ n° 7, automne/hiver 2001.