According to Van der Keuken, “a bit like Tati,” To Sang Fotostudio captures a small section of Albert Cuypstraat as a village-like community. Here, some residents and shopkeepers are photographed by Mr. To Sang, the Chinese photographer who lives at its very heart. He speaks little Dutch but has developed his own (body) language to communicate with his models. Behind the shop windows of his (mostly immigrant) clientele, small stories unfold—tales of immigration, oppression, hard work, and happiness.
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« Dans To Sang fotostudio, la photographie est le sujet principal. Faire des portraits, en photographie, implique que les sujets posent eux-mêmes ou qu’on les fasse poser selon un rôle, un archétype ou un idéal de personnages. Une « image idéale » se glisse toujours devant le réel – si rapide qu’elle puisse être, la photographie ne rattrapera jamais le réel.
Le photographe doit négocier cette « image idéale » avec son modèle par ses talents de metteur en scène, son autorité et sa capacité à rassurer. Tout cela grâce au langage – le langage des mains et des pieds, le langage des gestes et de la persuasion en douceur, le langage de la flatterie et de l’exclamation : les gens peuvent se comprendre par-delà les différences culturelles.
Bien des nationalités sont représentées dans la rue où Monsieur To Sang a son studio : on y trouve Hollywood Hair, le salon de couffure surinamo-hollandais; le Saree Centre pakistanais, Capricho, l’agence de voyage surinamienne, Woestenburg, l’épicerie hollandais, Sang Sang, la bijouterie chinoise, et le restaureant kurde Lokanta Ceren. C’est la réalité d’Amsterdam en 1997. Mais que tous les propriétaires de ces commerces aient décidé de se faire tirer le portrait par le photographe résulte de notre image de rêve, de notre mise en scène. »
Johan van der Keuken1
« Dans To Sang Photo Studio, Johan van der Keuken ne circonscrit pas son portrait à un individu mais l’entoure d’autres destins. Monsieur Sang accueille dans son magasin des clients de quartier d’origines diverses (kurde, indienne, surinamienne, hollandaise...) venus se faire photographier. Le réalisateur métamorphose la rue en une unité de lieu et de rencontres comme dans une fiction. Il s’arrête d’abord sur l’endroit où chacun travaille puis les suit, jusqu’au Sang Studio, entrecroise les histoires en filmant au travers des fenêtres – pose récurrente dans les photos et les films de JvdK – des visages spectateurs de l’avenue. Celui de Monsieur Sang, pensif et nostalgique derrière sa vitrine, qu’on devine composé à la demande du réalisateur et servant sa volonté, s’apparente à la figure d’un personnage, échappant à ce que sa personnalité lui aurait peut-être dicté. Mais le photographe, refusant de se raconter, laissant cela au bon soin de “Monsieur Johan”, est aussi un manipulateur sérieux et autoritaire, disposant ses sujets dans un décor, les contraignant à adopter l’attitude qui lui convient, remodelant en quelque sorte le réel et reflétant, malgré lui, les réalités d’un film en train de se faire. Pourtant, ses photos racontent plus à elles seules que tous les commentaires, même si nous ignorons, au final, beaucoup de choses sur tout ce monde. La fiction, ici, s’arrête là où d’autres pourraient la commencer et se résume surtout à l’émotion que dégage la convergence lentement travaillée de destins très différents ; un hasard organisé. »
Nathalie Mary2
- 1Johan van der Keuken, “To Sang fotostudio,” dans Aventures d’un regard. Films photos textes, eds. François Albera et Johan van der Keuken. (Paris: Cahiers du cinéma, 1998).
- 2Jacques Kermabon, Nathalie Mary, Raphaël Bassan et Vincent Vatrican, “Johan van der Keuken : le monde à portée de main,” Bref: le Magazine du court-métrage 39 (hiver 1998): 17.