The French filmmaker Thierry Nouel created a cinematic portrait titled Johan van der Keuken. The film not only presents excerpts from the work by the Dutch filmmaker but also features the documentary maker reflecting on his motivations. Additionally, Nouel films him in Paris, the city where the foundation of his filmmaking practice was laid.
EN
“One can see, I believe, in what I have created, phases where everything is completely stripped down, completely flattened out, emptied—emptied even of anecdote, almost emptied of meaning. And I have often felt that where things are most empty, the gaze is most intense. The experience is fullest when meaning is at its thinnest. So, we can say that by reducing information, we increase perception.
Of course, if we continue to enhance perception, we probably end up in something akin to religion. At that point, I say: ‘Yes, but there are plenty of things happening outside. Film them.’ But when I’m ‘there,’ I feel nostalgic for that space where nothing happens at all.
The essence, let’s say, of cinema—or perhaps of art in its entirety—is precisely there, in that place where nothing happens. But art cannot be only art, because there’s always something happening outside. It must always engage with reality, humble itself, confront worldly matters, and become that loud voice that begins to shout and move in that space. It’s not about ‘prostituting’ itself; it’s perhaps simply about solidarity with the banality of life.”
Johan van der Keuken1
- 1Johan van der Keuken in Johan van der Keuken (Thierry Nouel, 1999)
FR
« Qu’est-ce que le style ? Je suis arrivé à penser que le style est quelque chose de plus profond que simplement des caractéristiques extérieures. Par exemple, quand on parle de style, on dit souvent : « C’est quelqu’un qui fait des films lents » ou « qui fait des films simplement en plans fix ». Je trouve que ce sont des caractéristiques de style, mais ce n’est pas encore une écriture. Pour ma part, ce qui m’intéresse, c’est vraiment l’hétérogène. Donc tirer des éléments justement de style, des types d’images, des types d’usage de l’image et du son, un peu de tous les côtés. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui « postmodernisme » mais j’ai commencé à faire ça, à essayer ça, il y a presque 40 ans. Là, il n’y avait pas de postmodernisme. Il y avait encore l’espoir justement qu’on investissait dans le moderne. Et ce n’était pas encore la mort de moderne. »
« On peut voir, je crois, dans ce que j’ai fabriqué des phases où c’est totalement épuré, totalement mis à plat, vidé, même vidé d’anecdote, quasiment vidé de sens. Et j’ai souvent eu l’impression que, là où c’est le plus vide, le regard est le plus dense. L’expérience est la plus pleine quand le sens est le plus maigre. On peut donc dire que, si l’on réduit les informations, on fait croître la perception.
Évidemment, si on continue à faire croître la perception, on finit sans doute par atteindre quelque chose qui relève de la religion. À ce moment-là, je dis : « Oui, mais il se passe plein de trucs dehors. Filmez-là. » Mais quand je suis « là », j’ai la nostalgie de ce domaine où il ne se passe rien du tout.
L’essentiel, disons, du cinéma — ou peut-être pleinement de l’art — est précisément là, là où il ne se passe rien du tout. Mais l’art ne peut pas être seulement l’art, parce qu’il y a ce qui se passe dehors. Il doit toujours se mêler au réel, s’humilier, se confronter aux affaires du monde, et devenir cette voix forte qui se met à crier et à bouger dans ce contexte. Ce n’est pas « se prostituer », c’est peut-être simplement se solidariser avec la banalité de la vie. »
Johan van der Keuken1
- 1Johan van der Keuken dans Johan van der Keuken (Thierry Nouel, 1999)